Je reprends lentement mon souffle. J'avais mis toutes mes forces dans les dernières foulées de la montée. Je pensais pouvoir profiter de cet escapade, échapper à mes souvenirs. Pourquoi ne peut-on jamais échapper au passé ? Pourquoi veut-il nous harceler, nous pourchasser, nous faire regretter, nous faire sentir coupable ? J'admire la vue, le soleil couchant est sublime. Peut-être serait-il temps de rentrer, mais je n'en ai pas envie. J'aimerais pouvoir contempler cette vue jusqu’à la fin de mes jours. Plutôt crevé que de retourner en bas, où mon passé reviendra me hanter.

Le vent souffle, faisant voleter mes cheveux. Je ferme les yeux un instant. Je m'imagine voler au dessus de cette falaise. Être enfin libre. Ne plus avoir à se poser de questions. Je finis par sentir une présence à mes côtés. Je tourne à peine la tête vers l'inconnu. La première chose que je vois, ce sont ses yeux. Deux topazes grises entourés d'un visage d'ange. Il me le rappelle. Lui. Mais non je n'ai pas le droit d'y penser. Je fixe de nouveau le ciel, ou des traînées de rose et d'orange zébraient le ciel. Comment est-ce qu'on commence une conversation déjà ? Je ne me souviens plus, ou alors je ne veux pas me souvenir. Peu importe, j'ai perdu l'habitude d'avoir une conversation banale. La vue est magnifique n'est-ce pas ? Je n'avais pas haussé la voix, je n'avais même pas osé poser les yeux sur lui de nouveau.

J'ai l'impression d'avoir dit une bêtise, je n'aurais peut-être pas du briser le silence. Je faillis le briser une nouvelle fois, mais si il avait vraiment envie d'entamer une conversation, il me le ferais savoir. Mes mains prennent appuient sur le rocher à coté de moi et je me penche au dessus du vide. La sensation ? La peur, c'est ce qui vient en premier. Et puis peu à peu, l'irrésistible envie de sauter s'installe en vous. Mes yeux plongèrent vers le bas de la falaise. La noirceur envahit mes yeux et mes pensées fusèrent. Qui avait-il en bas ? Voulais-je vraiment le savoir ? D'autres questions s'imposèrent dans mon esprit, tandis que je restais penché au dessus du vide.

J'ai l'impression de glisser lentement, tranquillement au fond de l’abîme. Comme si une force m'hypnotisait. La seul chose qui me fit revenir à moi, c'est la main qui me saisit le poignet. Je repris mes esprit, ce contact humain me ramenant à la réalité. Je me redresse, et recule d'un. Me soustraire a cette force, c'était ça que je voulais. J'en avais pas l'intention, mais merci. Je regarde la falaise, lui, la falaise, lui. Et remarque que sa main entourait toujours mon poignet. Je le regarde en souriant gentiment. Tu peux ma lâcher maintenant, promis je sauterais pas. La lune commençait son ascension dans le ciel et nous baignait de sa douce lumière.