EN APESENTEUR

Vidée, je grimpais dans cet ascenseur. Morphée m'attendais, ses bras étaient impatients que je vienne lui livrer mon corps. Mon souffle, chaud, réchauffait l'endroit. Mes vêtements étaient collés à ma peau. Mon visage se relâchait contre la paroi. J'attendais. J'attendais que la porte se ferme.

j'viens de troquer mes baskets flambant neuves contre mes louboutins (une des dix paires que je possède), histoire de repartir dans de parfaites conditions. je tiens à ma réputation et jamais, au grand jamais, quelqu'un me verra en jogging dans la rue, hors de question. j'ai pris une douche, j'suis propre, remaquillée. bref, parfaite, à mon habitude. j'passe dans le couloir et fini par entrer dans l'ascenseur. j'regarde de haut en bas la nana déjà présente. hm, y'a mieux. « ça existe, l'anti-cerne. » quoi ? ça pourrait lui être utile, on dirait un zombie.

Un bruit de talons, une odeur fraîche, une voix fracassante. Je redressais le visage, arquais un visage et resserrais mes doigts. Elle était sérieuse ? Je me connaissais, je m'emballais pour rien. Je devenais folle pour rien. Parfois même violente. Vulgaire. Et toujours stupide. T'es perspicace, toi. Impressionnante balançais-je, la flinguant avec l'un de mes plus charmants sourire. J'appuyais sur le bouton du rez-de-chaussé et espérais de tout coeur qu'elle sorte avant moi et que ses cheveux restent coincés dans la porte de ce glauque ascenseur.

si elle croit que c'est une petite phrase au ton un peu cynique qui va me faire peur. j'lève un sourcil. « merci. » les portes se ferment, et c'est partie pour une ascension. « t'as pensé à te faire refaire le nez aussi ? » non parce qu'il est moche son nez, on va pas se mentir quoi.

Une garce. Une saloperie de garce, habillée avec bien plus de dollars que ce que je possédais sur mon compte. J'arquais de nouveau un sourcil. Son but était de crever dans cet ascenseur avant qu'il termine son ascension ? Passes-moi le nom du tien lui répondis-je, me voulant la plus calme possible.

j'peux pas m'empêcher de rire quand elle me demande le nom de mon chirurgien. « tu vois, ma mère a eu la chance d'engendrer la perfection. » j'lâche un sourire, suivi de près par un regard condescendant. non, c'pas le cas de la sienne, c'est sûr. elle doit s'en vouloir chaque jour que Dieu fait, la pauvre. « en revanche, je sais que du côté d'Hollywood, y'en a des biens. » sans prendre en compte le fait qu'elle devrait faire un près sur 15 ans pour rembourser la moindre petite opération. mais c'est tellement évident que j'prends même pas la peine de le lui rappeler, la pauvre, elle est déjà si handicapée comme ça.

Je rigolais, sincèrement. En coeur avec elle. C'est quoi ta définition de perfection ? lui demandais-je, réellement intéressée par la réponse qu'elle allait m'offrir. Elle puait le faux, l'argent et la connassitude.

ma définition de la perfection ? sérieusement ? mes mains se lèvent jusqu'au niveau de ma poitrine, et je longe mes formes sans les toucher, pendant au moins une bonne seconde. et puis j'lance : « pas grand chose à voir avec toi, quoi. » voilà, ça c'est fait.

Je la regardais se tripoter le corps, à croire qu'elle pouvait jouir de sa propre personne. Charmant. Sa réponse fut celle que j'attendais. Soit bonne et creuse ? Quelle déesse tu es ! Je récupérais ce sac qui trônait entre mes jambes et je me rapprochais de la sortie. Prête à courir. Loin.

bonne et creuse, c'est mignon. « c'est ça, tellement creuse que j'ai un master en droit. » j'lui souris, un sourire bien hypocrite. « du coup, j'crois que c'est mieux que moche et prévisible. » après tout, elle a la même réaction que la plupart des gens face à mes remarques.

Putain. J'étais coincée. Je n'étais pas de ceux qui possèdent une repartie impressionnante. Je n'aimais pas ça. Tu veux une médaille, peut-être ? lui demandais-je. Je perdais patiente. Elle gagnait. Evidemment. J'enfonçais mes doigts dans mes cheveux encore mouillées. Bon ... à quelle heure ?! Tic tac. L'impatiente. Tic tac. Le temps qui n'avance pas.

j'veux pas de médaille, mon diplôme, il suffit déjà largement. j'l'utilise pas, mais au moins je l'ai et j'en suis assez fière comme ça. c'est un bon truc à sortir aux gens qui me croient sans cervelle, et je l'ai bien compris. faut croire que si j'me permets des réflexions, c'est que je sais que je suis supérieure, c'pas en l'air. sauf que les gens sont tout aussi imbus d'eux-même sans l'avouer, là est toute la différence entre eux et moi. du coup, j'me marre. elle s'impatiente, et ça m'fait rire. et j'appuie sur le bouton d'arrêt d'urgence, histoire de la faire chier encore plus. « oups ! » j'lui balance un sourire en coin, suivi d'un clin d’œil. non, on va pas s'en aller de si tôt mademoiselle.

Bouillante. Autant physiquement, qu'intellectuellement. Cuisez votre repas sur ma peau, ce sera rapide. Je jouais avec ma lèvre, glissant mes dents par dessus, par dessous. Je m'en pinçais parfois la peau. Jusqu'à ce que j'entende sa voix, enfantine. Je me retournais brusquement et découvrais que le bouton d'arrêt d'urgence avait été activé. Je la regardais alors, avec une féroce envie de la balancer contre l'autre bout du 3m². Pourquoi ne pas clairement me dire que tu souhaites continuer à passer du temps avec toi ? J'allais exploser, j'allais lui exploser à la gueule. Et j'étais tout sauf une personne douée avec les mots. J'extériorisais tout par des gestes. Tout. Aussi puéril soit-il.

et la voilà, presque paniquée, entre panique et colère en fait. si j'ai envie de rester avec elle ? non, en fait. « c'plutôt pour me divertir, j'ai toujours rêvé d'appuyer sur ce bouton. » c'était l'occasion rêvée, j'avais le dessus, elle semblait faible et puis j'lui ai cloué le bec une fois déjà. « et j'ai toujours voulu voir comment une personne claustro réagirait. mais t'as pas l'air assez paniquée pour en être, c'est nul. » nul, nul, nul et encore nul. j'insiste. j'voulais vraiment voir comment ça s'passe pour eux. et puis m'marrer, un peu aussi.

Super ! Son rêve ? Je le partageais. Mais j'aurais préféré le réaliser dans d'autres circonstances. Enfermée avec un beau mâle, peut-être ? Ou une personne intéressante. Plus intéressante qu'elle qui ne se souciait que de sa propre personne et la démolition de ce qui l'entoure - c'est que notre court échange m'avait permis de conclure. Tu n'as pas peur d'te prendre des claques toi ... Être coincé dans un ascenseur avec un claustrophobe. Sordide envie.

super, à qui l'dis-tu ! je souris, contente de mon coup. j'suis diabolique, je le sais. j'le lis sur son visage, dans ses yeux et dans sa gestuelle qu'elle me déteste et qu'elle ne cherche qu'à fuir. alors mon plaisir, c'est de la faire chier au maximum et de la bloquer avec moi. si j'ai peur de me prendre des claques ? « les gens sont souvent trop polis pour ça. » et quand c'est pas le cas ? « et puis, ils ont pas vraiment envie que je porte plainte, en fait. je suis accompagnée de ténors du barreau. » et c'est vrai. et je reconnais leur art en la matière, j'ai étudié le droit, moi aussi, j'connais ces choses là. je suis pas aussi bonne qu'eux, mais je tend à m'améliorer. en tous cas, la voilà prévenue. « la preuve, t'aurais eu l'occasion de m'en mettre une au moins 10 fois depuis que je suis rentrée dans cet ascenseur, et c'est toujours pas fait. »

Chieuse. Petite conne. Saloperie. Trou du cul de riche. Voilà à quoi je pensais. La mordre, la frapper, l'étrangler. Voilà de quoi je rêvais. Mais au lieu de ça, j'esquissais un sourire. Étrangement sincère. M'imaginant comment réagirait un claustrophobe à notre place. Mal, très mal. Oh, excuses-moi, madame ! Putain, si cet ascenseur pouvait se rallumer. Genre, rapidement. Je parlais des claustrophobes, essayes de suivre la discutions. Puis là, je la fixais. Ce n'est plus les malades de l'enfermement qui hantait mon esprit, mais elle. Sa personnalité. Sa capacité à détruire tout ce qu'elle croisait sur son passage. Elle était arrogante, hautaine, probablement solitaire. Que pouvait-elle apprécier, si ce n'est le superficiel ? De quoi as-tu peur ? me surpris-je à lui demander, me doutant de sa réponse. Rien, bien évidemment. Madame était trop parfaite pour souffrir de quoi que ce soit. La peur de se casser un ongle, peut-être ? Non mais, puis je l'observais, plus j'avais envie de comprendre, pourquoi. Pourquoi elle était comme ça. Comment. Quitte à rester enfermée avec cette chose, autant essayer de la comprendre, échanger une discutions intelligente. Non ? J'étais illogique, totalement illogique.

j'lui balance un regard noir quand elle me dit de suivre la conversation. non mais pardon ? j'la suis la conversation. « même un claustro m'en mettrait pas une, trop paniqué parce la chose en elle-même, il aurait même pas capté que c'est de ma faute. » c'est logique, c'est extrêmement logique même. comment ça a pu lui échapper ? ah ouais, c'est vrai, elle est parr définition moins bien que moi. et puis paf, elle me demande de quoi j'ai peur. drôle de question, j'hausse un sourcil, j'suppose qu'elle me demande si j'ai un traumatisme quelconque dans mon enfance, le truc qui m'a rendu comme ça. si elle pense que j'vais m'adoucir, c'est mal me connaitre. « des beaufs ? » mais pas assez peur pour pas les enfermer avec moi dans un ascenseur pour leur pourrir la vie, c'est fou quand même. j'affronte mes peurs, ouh !