épi d'blé.

ok donc c'est ça. sympa, tu penses. sûrement un repère à araignées et autres bébêtes complètement dégueulasses. merci papi mamie. tu culpabilises deux secondes. ouais les pauvres faut dire qu'ils sont morts. faut dire que tu les connaissais pas, aussi. une ferme. quand on t'a parlé d'héritage tu pensais plutôt un vieux manoir stylé. un truc bien lourd, bien cool. pas ça. pas une ferme. putain, une ferme. t'es venu à banff pour une ferme. tu t'marres. tu t'marres plus. ok que faire. mais non t'es content d'être là, saul. tu t'dis. ouais ouais ouais super content. bon. tu regardes cette ferme. ta ferme. les mains sur le volant t'hésites à repartir. eh, t'abordes une gueule qui passe par-là. eh les vieux qui vivaient là, ils étaient comment ? non parce que voilà. faut dire que tu sais pas grand chose d'eux, toi. c'est tes grands-parents. genre, les vrais. ils ont ton sang. enfin, ils avaient. t'as donc du sang de fermier, saul. tu pourrais peut-être mâcher un épi d'blé, par principe.

Accompagnée, je marchais. Je marchais pour rejoindre une ferme dont on m'avait parlé. Paraît qu'ils embauchent, paraît qu'ils embauchent tout ceux qui souhaitent transpirer pour gagner de quoi vivre. J'en avais besoin. Maintenant. Ce départ imprévu m'avait coûté cher, m'avait fait perdre les rares sous que je possédais en réserve. Puis là, une voiture passa, s'arrêta et une voix m'expulsa de mes pensées. Surprise, je m'arrêtais, enfonçais mes mains dans les poches de mon manteau et haussais les épaules. Comme toi ? Je n'en savais foutrement rien. Les vieux d'ici, ce n'était sûrement pas les mêmes vieux qu'chez moi. Je regardais autour de moi, fixais l'une des habitations, à l'allure vieille et ancestrale. T'en as d'autres des questions bizarres comme ça ? Non parce que, ce n'était pas habituel. Extraordinaire même. Demander son chemin, basique. Poser des questions sur les lieux, basique. Questionner le premier venu sur la gueule des anciens résidents ... Bizarre. Ce type était bizarre.

tu finis par décrocher ta ceinture et sortir d'ta bagnole. depuis quand tu poses des questions bizarres. t'analyses deux secondes et t'en déduis qu'elle est pas d'ici. très bien, première approche ratée donc. quoi, beaux gosses ? tu lâches en souriant. tu croises tes bras et tu t'appuies contre le capot. ton fin sourire laisse comprendre qu'tu déconnes. non bah apparemment c'était à mes grands-parents genre, mais j'les connaissais pas moi t'avoues en jetant un coup d’œil à la baraque alors j'm'informe, comme ça, on sait jamais qu'y'ait un nid de vipères là-dedans tu fais les grands yeux. tu détestes les serpents ça ouais putain. t'es pas un mec des fermes toi. ta vieille pomme te manque déjà, saul. Brooklyn t'appelle plus que jamais.

Je regardais la ferme, sa ferme apparemment. Sympa l'héritage soufflais-je, en guise d'extériorisation de mes pensées. Que faire d'une ferme ? Je le regardais alors, de la tête au pied. Il n'avait pas du tout l'allure d'un campagnard, plutôt d'un petit mec de la ville, habituée à la foule permanente. Tu as chopé l'gros lot, là ! Sans gêne, j'allais à mon tour m'adosser à sa voiture afin d'observer la maison qui nous faisait face. Immense. Pleine d'herbes Vieille. Que faire d'une ferme, je répète, que faire ? J'en grimaçais, tout en m'imaginant les innombrables choses étranges que tu pouvais retrouver à l'intérieur. Nid-de-vipères, araignées, peut-être même des cadavres ? L'optimisme incarnée. Tu parles, j'étais simplement en train de me croire dans une série à la Walking Dead. Comme-ci il pouvait retrouver un vieux cadavre dans cette baraque. Quoi que. Vu la gueule qu'elle avait, à sa place, je me méfierais. T'as peur de rentrer dedans ? Je t'accompagne si tu veux ! Oui, je sentais que ça pouvait provoquer une débile aventure, débile mais sûrement intéressante. Si j'étais venue dans cette ville, c'était pour échapper aux problèmes, et aux soucis encombrants. Là, j'y voyais une occasion de penser à d'autres choses. De vivre des choses différentes. Avec un charmant inconnu.

l'gros lot, l'gros lot, on en reparlera. tu jettes un coup d’œil à la baraque et t'hausses une épaule comme pour dire, ouais, ouais j'sais pas. t'en sais rien en vrai, d'ces vieux là. c'était les parents d'ta mère biologique, on t'en a bien dit deux mots, mais basta. c'est pas comme si t'y étais franchement lié, à ce canada. t'es né, on t'a foutu dans le bras de tes nouveaux parents. ciao bye bye l'héritage. sans blague tu me rassures grave là tu lances en riant. t'imagines deux vieux complètement psycho, la meuf aussi barbue qu'le mec. des chemises à carreaux et des vieilles bottes pour bosser à la ferme. ok t'es dans les clichés, saul. mais t'y peux rien, t'as toujours eu une imagination limitée. ok t'annonces simplement avant d'aller choper les clefs dans ta valise. c'est marrant, t'es new-yorkais, tu devrais te méfier. enfin, c'est dans ta nature de citadin, d'te méfier. p't'être que tes gènes canadiens ressortent. terrible, tu t'dis, terrible la génétique. tu lâches ta bagnole en plan sur la route, sait-on jamais qu'tu décides de retourner dans la pomme avant l'heure. tu fiches quoi dans l'coin toi ? tes lèvres s'esquissent en un sourire. elle est sympa. tu sais pas son nom mais elle est sympa. t'attrapes deux bâtons qui traînent sur le sol et tu lui en tends un j'sais pas, pour les vipères, imagine t'es pas indiana jones toi, mais t'as bien vu deux trois astuces dans les movies.

Il accepta, ferma sa voiture et m'entraîna avec lui près de cette maison. D'accord. Je m'étais embarquée dans une sale histoire. Ça puait l'embrouille et les mauvaises surprises. REC 4. Ça allait être drôle, obligatoirement. Il me demanda ce que je foutais dans le con, je préférais ignorer la question. Tout simplement. Je ne souhaitais pas y répondre, je souhaitais pas lui expliquer mon histoire. Si j'étais venue ici, c'est pour repartir à zéro. Pas pour continuer à vivre avec ces souvenirs. J'attrapais son bout de bois et le regardais, septique. Tu crois franchement que ces bâtons peuvent nous aider contre une vipère ? Optimiste ce mec, optimiste. La vie ce n'était pas comme dans les films. Tu t'es cru dans Walking Dead ? ricanais-je tout en m'avançant jusqu'à la porte d'entrée. Soucieuse, je frappais jamais. Histoire de prévenir les mots, les fantômes et les souris de notre arrivée. Puis, sait-on jamais, un individu pourrait sortir de nul part et déclarer que nous sommes sur son terrain. Cet inconnu que je suivais s'était peut-être trompée de ferme. Ça se voyait qu'il n'y connaissait rien, les erreurs arrivant si facilement. Je pense qu'il n'y a personne ! Perspicace t'as vu. T'es éblouis par tant de logiques, je sais.

ah ouais the walking dead tiens, t'y avais pas pensé. il est où rick quand on a besoin d'lui putain en train de cultiver ses salades sans doute. tu jettes un coup d’œil à c'qui aurait pu être un potager dans le temps. personne. tant pis. tu t'sens un peu con avec ton bâton après sa remarque. mais ça te rassure, enfin, ça t'fait t'sentir moins seul. moins démuni. c'est un peu bête saul, c'est l'genre de truc que tu devrais vivre en tête à tête avec tes pensées. c'est la première fois que tu mets les pieds dans la baraque de ta famille. de ta vraie famille. tu t'demandes comment ils sont, papy mamie. comment ils étaient. tu t'demandes pourquoi, pourquoi ils ont pensé à toi, pour cet héritage. t'as jamais fait partie d'leur vie. tu t'mords la lèvre avant de frapper des coups secs sur les murs de la baraque. comme ça, pour l'imiter, pour éloigner les serpents. y'a personne, elle t'dit. ouais ouais. t'as le cœur un peu lourd sans trop savoir pourquoi. t'es comme un gosse qui ouvre son cadeau à noël. t'as hâte, mais en même temps ça te fait flipper. ça t'a toujours fait flipper, toi, les surprises. la clé tourne dans la serrure. tu t'arrêtes. avant qu'on n'crève j'tiens à te dire que ce fut un honneur de partager ces bouts d'bâtons avec toi. moi c'est saul t'es sérieux puis tu te marres. t'es jamais sérieux longtemps, saul. même quand la porte s'ouvre, même quand la poussière et la lourdeur de l'air t’agressent. bon. point positif, y'a pas de mort. pouah ça doit être abandonné depuis au moins un an tu tousses. sans compter le chat qui te file entre les jambes en t'arrachant un sursaut, évidemment.

Personne dans cette baraque, personne aux alentours. Le néant cet endroit. Le néant, et pourtant nous étions là. Tous les deux. Plantés devant cette porte qui cachait bien des surprises. Car oui, je restais convaincue que nous puissions y découvrir des choses des plus étranges. Moi c'est Romane, et c'est un honneur de partager ce moment avec toi, petit campagnard ! J'allais frapper son corps avec mon coude, tandis qu'il ouvrait la porte. Surprise. Un chat se faufila entre ses jambes, j'en poussais un léger cri de surprise. Oh putain, il aurait pu se manifester avant mistigri ! J'entrais alors dans cette baraque, et je toussais. Direct. C'est quoi ce bordel ? C'est quoi toute cette poussière ? L'horreur. Ça me piquait les yeux, ça me piquait le nez. Mais qu'est-ce que je foutais là ? T'étais censée de te trouver un boulot, je te rappelle. Oui, j'étais. Tu avais l'intention de poser tes valises ici ? lui demandais-je tout en rigolant. Je m'avançais tout doucement, peureuse, je devais bien l'avouer. Walking Dead, ce n'était pas pour moi. J'étais prête à sursauter au moindre bruit étrange. Quelle grande guerrière. Fabuleuse. J'admire Rick ! Mais s'il pouvait laisser son gosse cinq minutes pour venir nous aider. Parler. La seule solution efficace contre l'angoisse et l'excitation. Fallait que j'extériorise mes pensées. Comme toujours.

un tas d'poussière, bordel. c'est pas bon pour tes poumons d'athlète, ça, saul. bah ouais j'pensais trouver un coin où me poser et puis retaper la baraque tranquillement un peu idéaliste mon gars. tu finis par rentrer complètement tout en t'assurant de laisser bien la porte ouverte. lumière, lumière. tu repères un interrupteur. interrupteur qui n'allume rien, évidemment. bon tu souffles. tes parents ont pas trop compris ce choix de venir seul à banff. à l'heure qu'il est ta mère doit bien t'avoir appelé cinq fois, c'est le côté jewish mum qui trompe jamais. faut qu'on trouve un compteur d'électricité à vue d’œil la baraque a pas l'air dans un si sale état, au final. c'est juste un putain d'nid d'poussière. t'allumes la lampe torche de ton iphone et tu t'aventures dans le salon. t'es ému, saul. t'es excité, aussi. un peu comme indiana jones. sans l'chapeau. et sans la belle gueule d'harrison ford. c'est sympa, t'sais, de me donner un coup de main tu finis par dire en cherchant le regard de romane. tu lui lâches un sourire et tout en continuant de chercher ce foutu compteur tu t'promets j'te paierai un dîner pour te remercier t'es un gars des bonnes manières, toi, saul. pas d'aventure sans récompense.

Trouver un coin pour se poser et retaper la baraque ... Motivé. Vu la gueule de l'endroit. En soi, ça avait du potentiel. Mais. Bon. Il y avait une sacré opération de ménage à effectuer. Bon courage mec, bon courage. L'électricité ne fonctionnait pas. C'est pas la petite maison dans la prairie ici ! Y a pas un mec magique qui veut débarquer pour te dire comment tout fonctionne ? Un oncle caché, le fantôme de tes ancêtres ? En attendant je le suivais, lui et la lampe de son iphone. Charmant salon. Sérieusement, j'avais la sensation d'être plongée dans un autre temps, dans une autre époque. Lointaine. Très lointaine. Faut trouver le sous-sol, donc !Ça, c'était la solution à tous les problèmes, non ? Je me laissais perdre dans son regard, j'esquissais à mon tour un sourire. Me payer un repas ? Mais non. Crétin. Mais non. C'était gentil, mais je n'en avais pas besoin. Je ne t'ai pas accompagné pour obtenir quelque chose en retour de ta part ! A vrai dire, je n'aimais pas. Décidée, je m'éloignais de lui et ouvrais une porte. Au hasard. Mauvaise idée, un tas de livre et petites babioles tomba sur le sol, suscitant un bruit assourdissant. Et merde. Je grimaçais, je n'étais pas très douée comme fille. Je le regardais, un brin gênée. Un brin gênée pour avoir foutue encore plus le désordre. Cette porte ne mène pas au sous-sol ... Trop de perspicacité, tue la perspicacité.