l'eau. tu t'regardes, tu t'épies, tu t'observes, tu tortures ton propre reflet dans cette eau claire, assez claire pour révéler ton visage impur au ciel. si le monde savait ce que tu ressentais, si le monde te prenait par la main, s'interessait à la pauvre chose que tu es. t'en serais pas là. banff pour toi ne représenterait rien, et tu serais restée en australie loin d'tout ca. mais voilà, tu noies tes peurs au plus profond de ton être, tu souris, même si t'as envie de crier, hurler, soulager tes peines. tu t'souviens de ton enfance, une larme perle le long de ta joue. de l'eau tu grimaces, et d'une main ferme et rapide, tu sèche tes pleurs. tu observes l'eau couler de ces chutes, le regard vide. tu sais pas s'il y'a du monde autour de toi, mais c'est silencieux, calme, juste le fracas de l'eau contre les rochers. tu pense à tout, à rien, à ton futur, à Banff, à ta situation, mais jamais tu voudras penser à ton passé. tu prends un petit galet à ta gauche, et tu j'fais ricocher de toutes tes forces dans les chutes. jamais.

vannie, à chaque fois qu'il arrivait dans une nouvelle ville, il s'cherchait des endroits comme celui-là. l'genre d'endroit où tu peux vivre en paix, où tu peux laisser ta peur de côté quelques moments. car non, c'était pas l'truc le plus relaxant au monde de vivre dans la peur jour après jour. vannie, il était pas fait pour vivre comme ça. il aimait les gens, la vie, la simplicité. maintenant, c'était terminé, tout ça. il avait fait une connerie, qui allait le hanter toute sa vie. il en était conscient, de ça. alors, il revoyait ses priorités. il tentait de trouver un peu de bonheur dans les choses anodines, et là, il s'sentait comme un enfant devant ses chutes. limite, il avait l'air un peu con, un peu fou, voir très dérangé. c'était comme ça, à chaque fois qu'il se sentait le moindrement en sécurité. puis, voilà qu'il avait aperçu une fille, non loin de là. il s'était approché, parce qu'il avait cruellement besoin de voir, d'entendre quelqu'un. « bonjour. » il avait fait un rapide geste de la main, en guise de salutation, se retrouvant par la même occasion emprisonné dans un léger malaise. « j'te dérange pas? »

tu regardais le ciel, les oiseaux, cette étendue de terre. en fait, tu savais même pas comment t'avais atterri là, mais peu t'importais. t'avais juste besoin de calme, de douceur, et de cette légère brise qui t'balayaient les cheveux. perdue dans tes pensées, tu pensais malgré toi à l'Australie. l'australie, ce pays qui t'a brisé jusqu'à la moelle. rien qu'à y songer, tu t'sens faible, vulnérable, t'as besoin de quelqu'un. une âme charitable qui voudrait bien t'prêter son épaule, le temps de quelques secondes. bonjour. prise de court, tu sursautes. tu plonges ton regard émeraude dans celui du jeune homme qui vient de t'aborder, puis tu rougis. un peu trop. les hommes, ça n'a jamais été ton fort. personne ne t'a jamais appris comment t'y prendre, et même pour la plus banale des conversations amicale, tu étais perdue. j'te dérange pas ? un léger sourire s'immisca entre mes lèvres. il avait l'air gentil, ce garçon. il est différent des australiens, lui. non, non ne t'inquiete pas. rassurée, tu te redressas, passant ta main dans tes cheveux chauds. un long, très long moment de silence régna ainsi de vos épaules lourdes. sous l'effet du stress, tu ne pus t'empêcher de reprendre la parole. désolée, j'te dis tout de suite que j'ai jamais été très douée avec les garçons tu rougis de plus belle. enfin, même si c'est qu'une conversation amicale hein. tu t'sentais bête, très bête. c'était plus fort que toi, t'arrivais jamais à sortir une phrase sans paraitre ridicule. alors t'evitais son regard, a tout prix, pour ne pas avoir ce supplice que d'observer son expression perplexe face à ton comportement. et tu te remets à torturer ton reflet dans l'eau impure. tu faillis encore t'excuser mais tu te retins. tu ne voulais pas te faire passer pour cette grosse coincée de service. même si tu en étais une. enfin un peu hein.

il savait pas vraiment quoi dire, pour tout avouer. il avait l'impression qu'avec le temps, son don de communication lui avait été retiré. limite, il se sentait timide, là, maintenant. il était pas timide, habituellement, vannie. mais c'est qu'actuellement, il se sentait privilégié. il avait l'impression de renouer avec lui-même, alias le type un peu spé qui parlait à n'importe qui aussitôt qu'il en avait l'occasion, alias le type qu'il ne pouvait plus vraiment être, par choix. silence. sileeeence. la réplique de la jeune femme l'avait fait sourire. c'est qu'il l'a trouvait charmante, déjà. la voir rougir le faisait sourire davantage, surtout avec la réplique qu'elle venait tout juste d'ajouter. « oui, une conversation amicale. » il avait lâché un petit rire, pour estomper le malaise. « j'peux prétendre que j'suis une femme, si c'est pour te rendre plus confortable. mais c'est pas vraiment mon truc, hein.. du coup j'crois que tu capterais que j'suis pas vraiment une femme. donc, le malaise serait encore pire. » eh voilà que c'était au tour de vannie d'avoir légèrement honte. il avait cette manie, de parfois trop parler. il le vivait bien, mais là, il le vivait mal, ahah. « sinon, moi, c'est vannie. je sais. c'est pas l'plus beau prénom de l'univers et c'est légèrement assez féminin. mais c'est pour que tu penses que j'suis une femme, pour que tu sois à l'aise. » sourire. malaise numéro deux. « j'parle trop, n'est-ce pas? »

tu t'sentais réellement mal à l'aise. pas pour toi, non. plus pour le brun qui avait eu le malheur de t'aborder. ça te faisait mal, parce qu'il avait l'air gentil, différent des autres. je remarque, suite à un coup d'oeil furtif, qu'il rougit. puis il rit. tu j'sais pas s'il rit ironiquement, mais tu ris à ton tour de bon coeur. t'esquive toujours son regard, mais tu veux y'aller étape par étape. d'abord, tu arrives à en placer une sans te taper la honte de ta vie, et tu verras après pour la suite. il te propose de s'travestir le temps d'une conversation, afin d'estomper le malaise. et, naturellement, tu le regardes, ton sourire qui s'élargit. t'as peut-être l'air encore une fois un peu bête, mais tu sais pas, en ce moment même c'etait différent. il avait réussi à t'apprivoiser, à te rendre à l'aise. pour la première fois dans ta vie, tu t'sentais normale. tu te sentais même... belle. t'inquiete pas, je pourrais m'en passer. mais merci du geste. tu rougis, t'as les joues en feu, tu t'sens mourir sous le poids de la situation, t'as juste envie de plonger dans l'eau pour t'remettre les idées en place. tu te noierais, certes, mais au moins, tu serais morte assez tôt pour ne pas avoir le coeur brisé. mais putain, pourquoi j'pense à ça moi, aussi. mais tu souris. tu fais comme si tout allait bien à l'extérieur, nonchalante. même si la crédibilité n'est pas vraiment au rendez-vous. et il se présente. ainsi, tu ris. encore une fois. vannie, vannie, vannie. moi, c'est skye. enfin scarlett, mais appelle-moi skye. tu passes encore une fois ta main, moite, dans tes cheveux dorés par le soleil, en te mordillant la lèvre inférieure. et j'aime beaucoup ton prénom. pas juste parce qu'il est féminin. enfin, non il n'est pas féminin, il est même plutôt viril. maaaais.... bref. et voilà, je détourne encore ton regard, torturant ta lèvre de tes dents, en guise de punition pour cette réplique plus que foireuse. et pour la première fois, t'oubliais ton passé, l'Australie, tout ce qui te tourmentais. t'avais trouvé en vannie quelque chose qui te consolait, et qui t'permettais de t'évader un peu, le temps d'une conversation. si tu parles trop, sache que j'aime quand tu parles trop alors. nouveau sourire, nouveau rire. les malaises étaient devenus presque comiques, et ta phobie des garçons s'envolait peu à peu. du moins, rien qu'avec vannie, ce qui était déjà u exploit en soit. tu cherchais un truc à dire, quelque chose de pas trop emmerdant, ni qui fasse trop collant. réfléchis skye, c'est une questio de vie ou de mort là tu... es là depuis longtemps ? t'avais l'impression que plus tu parlais, plus tu t'enfoncais, que tu servais réellement à rien, que si vannie parlait tout seul aux chutes, ça reviendrait exactement au même. alors tu te contentes de te la fermer, commençant à songer au pourquoi du comment. parce que si tu es aussi bizarre et coincée, c'est forcement qu'il y a une raison. non ? j'veux dire à Banff. c'est ça skye, repose en paix.

heureusement, elle disait qu'elle pouvait s'en passer. de cette manière, vannie n'allait pas être obligé de se transformer en femme pour l'occasion. il était dévoué, ceci-dit. il aurait été capable de tenter de parler comme une fille pendant toute une conversation ne serait-ce que pour faire naître des sourires sur les lèvres de la jeune femme qui se trouvait devant lui. il était tout d'même un peu soulagé de ne pas être obligé de s'humilier de la sorte, même si c'était le moindre de ses soucis. elle se présente, puis il sourit, encore. « heureux de faire ta connaissance, skye. » il était vraiment heureux, même. peut-être bien qu'ils allaient se revoir? peut-être bien qu'il allait avoir quelqu'un, ici, sur qui il allait pouvoir compter. lorsqu'elle parle de son prénom, vannie ne peut pas s'empêcher d'être étonné. « tu trouves ça viril, toi? » il rit encore, visiblement de bonne humeur. « et bien j'suis comblé. ma vie sera meilleure, désormais, maintenant que je sais qu'il y a quelqu'un sur cette planète qui trouves que mon prénom est viril. » le pire, c'est qu'il était sincère. peut-être bien qu'il était complexé, d'avoir hérité du surnom de sa mère, qui elle, se prénommait vanessa. il l'avait mal vécu, disons. « tu n'aurais pas dû me dire ça, tu sais.. maintenant, j'vais te parler pendant des heures, des heures et des heures. » sourire. mais non, vannie, il savait se contenir un peu. parfois. même qu'il savait ne pas parler du tout, mais ça, c'était rare. voilà que sky lui demande depuis combien de temps il est ici. pas longtemps, vraiment pas longtemps même. il ne savait pas pour combien de temps il allait rester, aussi. il ne restait jamais très longtemps au même endroit, bien qu'il se plaisait beaucoup avec tous ces paysages plus magnifiques les uns que les autres. « j'suis ici depuis.. exactement.. » il avait regardé sa montre avant de regarder de nouveau la jeune femme. « .. vingt-six heures et quelques minutes. environ. et toi? t'es de la place? »

genoux contre poitrine, tu étais adossée contre ce rocher, observant le magnifique panorama qui t'entourait, cette aura apaisante qui se dégageait des chutes, le chant des oiseaux qui fourmillent dans tes oreilles. tout cela t'apaisait, tu te sentais bien, il te faisait sentir bien aussi. moi de même. vannie était peut-être bien la première personne à qui tu parlais, depuis ton arrivée à banff. et tu t'rendais maintenant compte que t'avais pris la bonne décision, en laissant tout d'coté à perth, pour t'en aller loin d'tout ça. loin des yeux, loin du coeur c'est la première fois que tu désobéis aux règles. c'est la première fois que tu souris sincèrement. c'est la première fois que t'as pas envie de t'enfuir en courrant en présence d'un homme. c'est la première fois que tu te sens toi et un nouveau rire s'échappe de tes lèvres. disons que je trouve ça mignon. ça m'fait penser à... vannille. t'essaies sur le dernier mot d'avoir un accent parfait. le français, c'etait pas trop ton fort, tu savais parler et écrire à peu près normalement, mais l'accent était carrément terrible. eeeet... c'est bon la vanille. un nouveau rire s'échappa de tes lèvres, mais pour une fois aucun malaise s'enroulait autour de ta voix. il te révèle qu'il est présent ici depuis un peu plus d'une journée. tu hausses les sourcils. ouais, ça t'étonne. il a l'air tellement en phase avec l'endroit, tellement bien, on dirait qu'il est né ici. peut-être qu'il avait envie de tout quitter. comme toi ouah, ça fait pas depuis super longtemps alors. tu marques une courte pause, avant de reprendre la parole. ah non, j'viens de loin moi. j'arrive d'australie, perth plus précisément. j'suis arrivée dans l'coin y'a environ... tu prends doucement la main de vannie pour vérifier l'heure grâce à sa montre. ... dix heures environ, c'est encore tout chaud. et tu t'remets à encore regarder les nuages se mouvoir en cercle autour de toi et vannie. t'as fait le bon choix mais, j'sais pas vraiment si j'vais rester dans le coin. tu vois, disons que j'veux vraiment rayer mon passé de la tête. j'ai jamais été une grande aventurière, quelqu'un qui aime l'extrême, j'ai même peur de l'eau, tu vois l'genre. on m'a collé une étiquette, je n'ai jamais eu d'amis, encore moins de petit-ami, de premier baiser, de première fois, je n'ai jamais fumé, bu une seule goutte d'alcool. j'voulais absolument que mes parents soient fiers de moi, qu'un jour, ils me disent "skye, on t'aime" mais non non non, ils s'en foutent de moi, en fin d'compte. alors, j'ai décidé de tout reprendre à zéro, et donner à mon existence un sens, à Banff. et vivre toutes mes premières fois. tu t'rends compte que ta tête tourne, que tu commences doucement à pleurer. t'as tout déballé au premier venu, comme ça. mais t'en avais besoin, c'était peut-être pas clair pour vannie, mais au moins t'as révélé au monde qui tu étais. cette fois, j'crois que c'est moi qui ai trop parlé. désolée haha, j'suis vraiment ennuyante à mourir.

vanille? il n'était pas vraiment étonné, on lui avait souvent fait cette remarque. ceci dit, habituellement, ce n'était pas sous la forme d'un compliment. les moqueries n'étaient cependant pas le genre de trucs qui dérangeaient vannie. il était un type angoissé, vrai, mais ce que les autres pensaient de lui ne l'influençait aucunement. il connaissait son identité, il connaissait ses forces et ses faiblesses. ce que skye ajoute à ce sujet lui donne -encore, encore et encore- le sourire. il en rit un peu, même, voyant derrière cette phrase une drôle d'allusion involontaire. « aaaaah? » il n'en ajoute pas plus, mais il en gardera un drôle de souvenir à chaque fois que quelqu'un l'appellera vanille. il acquise lorsqu'elle lui dit que ça n'fait pas longtemps qu'il est ici, puis il l'écoute. l'australie? elle venait de loin donc. il aimait bien l'australie, vannie. il trouvait les gens accueillants et il aurait apprécié y aller plus d'une fois. désormais, il ne savait pas si ça allait être possible. mais il n'y pensait pas, il chassait tout ça de ses pensées. « oh, wow.. tu dois être morte de fatigue, non? » c'était tout d'même plusieurs heures d'avion. vannie écoute chacune de ses paroles. il est étonné, très étonné même, lorsqu'elle dit ne jamais avoir eu de copain. il n'était pas aveugle, vannie. skye, elle était canon, voir très, très canon. il avait compris qu'elle semblait timide, mais il ne s'attendait pas à une fragilité aussi.. profonde. il l'écoute encore, attentivement. il ne sait plus quoi dire. il ne saurait pas quoi dire, en fait. elle pleure. il la prendrait bien dans ses bras, mais il ne sait pas si ce serait la bonne chose à faire, puisqu'ils se connaissent depuis si peu. « t'es pas ennuyante, et tu peux parler autant que tu veux. » il ne supporte pas de voir les gens ainsi. il croit fermement que personne ne mérite ça. il ne sait toujours pas quoi dire, mais il veut trouver ses mots. les bons mots. alors, pour que le silence soit moins douloureux, il passe doucement son pouce sur le visage de la jeune femme afin d'éliminer ses larmes. peut-être que c'était de trop? tant pis. il était tactile, vannie. il voulait faire quelque chose, pour elle. pour qu'elle se sente un peu moins seule, peut-être, dans ce tout nouveau village. lui, il se sentait si seul. « tu sais.. j'crois pas que tes parents se foutent de toi. c'est pas possible. ça s'voit, que tu n'as rien pour déplaire. » il ne le dit pas pour faire plaisir, ou pour consoler. il le pense. cette fille n'était pas déplaisante. « je ne connais pas tes parents, mais j'imagine qu'ils vont réaliser ce qu'ils ont perdu, maintenant que tu n'es plus là. c'est comme ça, la vie. on réalise toujours tout en retard. » n'est-ce pas, vannie? il se sent mal. pour elle, mais pour lui, aussi. « et ne te presse pas trop, pour toutes tes premières fois. » il sourit. un sourire qui se veut consolateur. « tu en garderas un meilleur souvenir si tu attends le moment propice. »

un petit gloussement s'échappe de mes lèvres. sa réaction face à ma remarque sur son prénom me faisait drôlement sourire. en y repensant, j'm'en voulais déjà d'avoir sorti une réplique aussi bourrée de sous-entendus. je gomme vite cette image de ma tête, avant d'accorder mon regard au garçon. il m'fait remarquer que j'devais être morte de fatigue. je grimace un peu. c'est vrai, j'étais épuisée, crevée. mais pas par le voyage, non, c'était plutôt ma libération qui m'bouffait l'âme. j'en rêvais, de ce "road-trip", depuis toujours. j'en rêvais, le soir quand j'm'efforçais d'étouffer les pleurs qui me torturaient la gorge. j'en rêvais, le jour quand j'sentais ces regards méprisants me détruire des yeux. j'en rêvais, toujours. j'avais hâte de poser mes prunelles le temps d'une nuit, afin de pouvoir observer les paysages d'un oeil vif, et de vivre l'instant. disons que, oui j'suis vraaaaaiment morte de fatigue. mais pas à cause de l'avion, c'est plutôt... les évènements qui s'bousculent qui m'épuisent. je m'en voulais un peu au fond, vis-à-vis de mes parents. je me demandais ce qu'ils faisaient en ce moment, à quoi ils pensaient. je révèle les détails de ma vie privée, les plus noirs et enfouis, mais ça me fait du bien. un bien fou. durant mon monologue, je regardais l'homme, parce que dans ses yeux, je trouvais tout ce dont j'avais besoin, du réconfort. c'est con de se dire ça, quand on pense qu'on se connaît depuis à peine vingt minutes. il m'écoutait avec attention, et semblait un peu désorienté par mon histoire. j'le comprenais tellement. et puis une goutte, deux puis trois. je me mettais à me morfondre, en repensant au passé. j'm'étais promis, putain. lorsque vannie reprend la parole après ma longue tirade, je relève la tête vers lui. il était vraiment adorable. ça me rassure que tu penses ça. parce que... ça m'a fait du bien de me confier à toi. même si on se connaît pas vraiment. je ne peux m'empêcher de rire après ma dernière remarque. je m'étais embarquée dans une sacrée situation, c'est peu de le dire. tandis qu'un long silence régnait au sein des chutes, vannie caresse ma joue de son pouce, afin de sécher mes larmes. bou-boum. un battement de coeur de trop, un frisson qui coulisse le long de mon échine, une vague de chaleur me parcoure de la tête au pied, une teinte rouge vient colorer mes joues. après ce geste tendre, je perdais mes mots. je savais pas quoi dire. devais-je répondre par un "merci" ? par une accolade ? une poignée de main ? lui offrir du chocolat ? c'est là que j'regrettais profondément qu'on ne m'aie jamais appris la vie. alors je me contente de battre des yeux, sous l'effet de l'étonnement, ta couleur vive ne voulant plus quitter tes traits, et de rester muette toujours ces papillons dans le ventre. puis il ajoute quelques mots, en me faisant remarquer que mes parents ne se foutent pas de moi. et que je n'avais rien pour déplaire. bou-boum. peut-être, peut-être pas. en fait, peut-être qu'ils m'aimaient bien, au fond. mais j'me suis trop accrochée à eux, j'leur ai tout donné, j'ai détruit ma vie pour eux. j'espère même secrètement que je me sois faite adoptée, rien qu'pour me dire qu'il me reste un peu d'espoir, au fond. tu marques une pause, un sourire ironique bordant tes lèvres. et, je pense que j'étais pas vraiment indispensable à leur vie. ils me regretteront sûrement quelques jours, mais leur peine s'estompera vite. tu baisses la tête, regardant les chutes. j'suis pas vraiment la fille dont tous les parents rêveraient quoi, tu sais. la preuve, regarde où j'suis maintenant. et voilà, encore une fois tu fais passer tes parents avant toi, et tu te mets à regretter. arrête tes enfantillages, t'as fait le bon choix, ça devait arriver à un moment ou à un autre. j'ai vécu beaucoup de premières fois aujourd'hui. je relève ma tête, souriant à pleine bouche, de la façon la plus adorable qui soit, pour essayer en vain de maquiller mes peines, mes regrets. et pour l'instant, je regrette rien. et je ne mentais pas. puis, mon regard se pose sur les chutes, le paysage, le panorama, j'observe en silence, ébahie devant tant de beauté. à perth, y'a pas ça. je prends ton conseil en compte alors, t'es sûrement plus connaisseur que moi. j'aimerais que ce moment dure pour toujours, je m'étais accrochée à vannie quand même. un peu. et voilà, encore une fois, j'm'accroche trop vite. une demie-heure, j'ai battu mon record apparemment. j'dois être déboussolée, à cause des heures d'avion. merci pour tout, en tout cas. pour m'avoir écoutée, avoir supporté ma mini-dépression. et de t'être dévoué pour te travestir. je ne savais pas si j'allais le revoir. s'il allait partir. c'était quand même le premier garçon que j'aimais vraiment bien, et qui savait m'écouter. je savais pas s'il allait rester à banff, ou si c'était un grand aventurier. ne me laisse pas. bref, on a trop parlé de moi là. je marque une très courte pause. t'es venu à banff pour quoi, sinon ? toi aussi t'es parti sur un coup de tête ? ton sourire ne veut définitivement plus me quitter. je savais pas si j'étais triste, si j'regrettais, si j'avais envie de hurler, de crier, de rire aux éclats, mais peu m'importait.

il se demande à quel point ça devait être terrible pour qu'elle décide de déménager à l'autre bout du monde. à quel point elle devait en avoir assez. il voulait savoir. il voulait tout savoir, dans le moindre détail. il voulait écouter, il voulait comprendre, aussi. il ne savait pas ce que ça faisait, de ne pas se sentir aimé par ses proches. il avait été aimé, il avait été la source de fierté de ses parents. « ça me rassure que tu penses ça. parce que... ça m'a fait du bien de me confier à toi. même si on se connaît pas vraiment. » il sourit, légèrement. il est rassuré, surtout. encore une fois, il l'écoute parler, sans placer ne serait-ce qu'un seul mot. vannie réfléchit. encore et encore, il réfléchit. « j'suis pas vraiment la fille dont tous les parents rêveraient quoi, tu sais. la preuve, regarde où j'suis maintenant. » il sourit, puis il rit. « je pense que tu te trompes. non, en fait, tu te trompes. tout simplement. » de ce qu'il savait, il avait analysé que c'était plutôt elle qui n'avait pas les parents dont tout le monde rêverait. elle lui dit qu'elle a vécu beaucoup de premières fois aujourd'hui. il la regarde, perplexe, puis il sourit de nouveau. « dis-moi, qu'as-tu fait aujourd'hui pour la première fois? mis-à-part prendre un billet d'avion pour le canada? » c'était déjà énorme, à vrai dire. derrière sa fragilité, elle avait du courage, la petite. « merci pour tout, en tout cas. pour m'avoir écoutée, avoir supporté ma mini-dépression. et de t'être dévoué pour te travestir. » et le voilà qui rit de nouveau. « il m'a fait un grand plaisir de me travestir pour toi. tu n'es pas si difficile à supporter, d'ailleurs. pour l'instant, ça va, je me porte bien. » clin d'oeil. il était davantage intrigué. il avait du mal à comprendre, pourquoi les choses avaient été si difficiles pour elle. il avait du mal à comprendre comment des parents pouvaient être si froids avec un enfant. il était bien conscient que c'genre de choses existaient, partout dans le monde. il était conscient de la chance qu'il avait eu. elle lui demande, alors qu'il ne s'y attend pas, pour quelles raisons il est ici. vannie, il se sent pas bien, d'un coup. il était du genre à écouter les autres parler du meilleur et du pire, à l'infini. ceci-dit, il n'arrivait pas à vivre avec ses propres problèmes, c'est pourquoi il les chassait constamment de son esprit. il vivait un peu sur un nuage, au fond. il vivait dans l'irréelle. c'est pour cette raison qu'il était ici, comme si la distance pouvait effacer les souvenirs. il est silencieux, d'un coup. elle venait de toucher à une corde sensible, avec une question si innocente, si anodine. le silence s'étire tellement longtemps, qu'il a l'impression qu'il ne peut plus mentir, maintenant. de toute, il est incapable de mentir. « je.. » c'est douloureux. la plaie est encore ouverte, la plaie est profonde. alors, il sourit, comme pour se convaincre lui-même que tout va bien. « j'ai décidé de partir, suite à un événement. » voilà qui était très bref, tout comme son sourire. bref, rapide, pour balayer le malheur. « c'est beau, banff. » mais il ne savait pas s'il allait être ici longtemps. il savait que le jour où il s'arrêterait, il allait devoir commencer à se construire un nouvel univers. il n'était pas prêt, encore. « j'aime bien l'endroit, en tout cas. » toutes ces petites phrases qui ne voulaient rien dire, qui n'étaient destinées qu'à cacher un profond malaise. il n'arrive plus à camoufler l'angoisse qui traverse son visage, alors, il laisse encore une fois le silence régner. il ne veut pas qu'elle s'en rende compte. il ne veut pas qu'elle se sente mal à l'aise, ou simplement mal d'avoir posé la question. alors, il s'efforce de briser le silence. « tu comptes rester ici, toi? tu loges où, au fait? à l'hôtel? ou bien t'es obligée d'affronter le froid dans une petite tente comme moi? » et son sourire est revenu, comme s'il ne s'était jamais caché. sa petite crise intérieur est passée, il est de retour sur son nuage. il avait un sacré talent, vannie, pour réussir à chasser ses pensées de la sorte. « si t'es toujours là, et si je suis toujours là cette été, je te jure que t'auras pas l'choix de combattre ta peur d'aller à l'eau pour la première fois. » oui, il insinuait qu'il voulait la revoir. évidemment qu'il voulait la revoir. ça lui faisait du bien, d'avoir de la compagnie. elle l'intriguait, aussi. il voulait voir l'évolution. il voulait la voir vivre, sortir de sa coquille. il la trouvait fascinante, au final.