La ballerine

comment melody avait-elle fait pour entrer ? c'était son secret. mais elle était bien là. sur la piste de danse. ses bras bougeant aux notes du clavier. ses tympans vibrant au rythme des basses. ses jambes suivant les percussions. c'était du n'importe quoi. c'était du melody. les yeux fermés. elle se foutait des gens. son corps convulsait à chaque changement de tempo. elle se foutait de l'heure. se foutait de l'endroit. elle dansait.

melody, c'était une ballerine dans une bacchanale.

J'n'ai plus vingt ans, et pourtant, j'aime toujours autant ce monde. Celui de la nuit. Tout est plus dangereux, plus excitant à cette heure-ci. J'suis entré avec un groupe de nanas que je ne connais ni d'Adam, ni d'Eve parce que, c'est connu, ils ne font pas entrer un mec seul, dans ce genre d'endroits. Je quitte mes prétendues amies pour commander à boire, puis rejoins, verre à la main, la piste de danse. J'n'aime pas forcément ça, danser, mais c'est un moyen comme un autre pour faire de nouvelles rencontres. De belles rencontres. Je la vois, les paupières closes, se défoulant au milieu de la foule et je décide de la rejoindre. Je n'me montre pas encore particulièrement tactile, préférant guetter la proie avant de l'apprivoiser.

il n'y a plus personne. il fait noir. une lumière s'allume et éclaire le centre de la pièce. là se trouve melody. seule. dansant au rythme d'une chanson populaire. le son étouffé comme si elle était sous l'eau. tous ses mouvements sont lents. tout est au ralenti. on pourrait s'croire dans un film. une scène onirique, où le héros s'imagine seul avec sa conquête. le genre de truc vu et revu. mais melody n'était pas seule. elle sentait une présence. dans le noir. elle entendait sa respiration. son battement cardiaque. le bruit de ses paupières qui se ferment. melody ouvre les yeux.

la musique est forte. les gens dansent tout autour de la ballerine. à côté d'elle se tient un mec. elle le regarde derrière ses cheveux blonds. elle ignore si elle doit fuir ou rester. elle referme les yeux pour essayer de l'oublier. elle bouge la tête. les bras. les jambes. elle perd le contrôle de son corps. et elle tombe sur l'inconnu.

Spoiler:

J'la regarde se trémousser, là, devant moi, alors que je me contente de secouer la tête, de mon côté, vidant doucement mon verre d'alcool. Je n'saurai dire pourquoi elle et pas une autre, faut croire qu'elle m'a attiré comme un aimant. Sa façon d'bouger, d'ignorer la foule, elle me fascine. J'la dévisage encore un peu et j'remarque, enfin, ses beaux yeux bleus qu'elle referme aussitôt. C'est tout ? J'n'ai pas l'habitude qu'on m'ignore d'la sorte, alors je secoue la tête de droite à gauche, riant nerveusement, un brin amusé. Alors quoi, ma belle ? Tu vas t'la jouer solo encore longtemps ? Elle a l'air complètement perchée, mais c'n'est pas ça qui va me rebuter. Bien au contraire. Ça la rend même encore plus intéressante. Un, deux, trois, j'vois ses pieds qui s'entremêlent et elle tombe aussitôt sur moi. Je n'ai pas bien de mal à la rattraper, faut dire qu'elle est aussi légère qu'une plume d'oiseau. "C'est pas bon d'boire autant.", que je gueule pour qu'elle parvienne à m'entendre malgré le bruit.

Spoiler:

melody n'avait aucune goutte d'alcool dans le sang. elle avait bu deux ou trois auparavant, mais ce soir-là, elle était sobre. elle n'était pas fan de la bière. elle n'aimait pas le goût. ni les effets secondaires. elle ne comprenait d'ailleurs pas les gens qui boivent pour avoir du plaisir. elle pouvait se défouler tout en étant sobre. après que l'inconnu l'aille rattraper, melody s'est vite relevé et s'est mise à le fixer aussitôt. il n'était pas laid. « c'est pas bon d'boire autant. », qu'il gueule. aucune réaction de la ballerine. elle l'analyse toujours. « ... pas d'ma faute si je suis une alcoolo. », dit-elle de sa voix cristalline, un léger sourire sur les lèvres. « merci de m'avoir rattrapé. j'espère que j'n'ai pas cassé ton verre. » melody ignorait si le mec pouvait l'entendre. mais elle s'en foutait.

J'en ai vu des filles étranges dans ma vie, mais celle-là semble bien battre tous les records. Elle danse comme si personne ne l'entourait, comme si personne ne pouvait la voir. D'ailleurs, sa façon de danser m'amuse pleinement. Elle n'a pas l'air de se soucier du qu'en-dira-t-on. C'est cool, je ne m'en soucie pas non plus. Et, c'est certainement pour cela que je reste posté là, bougeant la tête au rythme de la musique, et l'épiant en même temps. Elle ne semble pas particulièrement vouloir de ma présence, du moins jusqu'au moment où elle me tombe dessus. Je la relève facilement, amusé. J'vois bien qu'elle n'est peut-être pas si alcoolisée que ce je pensais au final. Non, sinon, elle se serait montrée un peu plus séductrice ou même colérique. C'est connu, les filles, quand elles boivent, se transforment soit en petites salopes dévergondées, soit en petites connasses hypersensibles et hyper-imupulsives. Enfin, quoi qu'il en soit, j'apprécie le fait qu'elle ne manque pas de répartie et je réponds à son joli sourire. "Désolé, j'entends rien.", que je balance en désignant mon oreille du doigt. "C'est quoi ton p'tit nom, dancing queen ?"

melody ne bougeait plus. elle observait. elle trouvait qu'elle et lui faisaient tache à travers les danseurs. le milieu d'une piste de danse n'est pas le meilleur endroit pour entamer une discussion. il fallait parler fort pour se faire comprendre. crier. mais melody - beaucoup trop fragile - n'y arrivait pas. et le mec comprenait rien. « c'est quoi ton p'tit nom, dancing queen ? » il n'aurait pas pu mieux choisir sa chanson. dancing queen. young and sweet. only seventeen. dix-sept ans. dix-sept années que melody erre sur terre. mais libre de danser que depuis quelques jours. « melody. », essaye-t-elle de dire. mais elle savait qu'il n'avait rien entendu. elle se rapproche de lui. se met sur la pointe des pieds. puis lui murmure à l'oreille son nom. me-lo-dy. « ... et toi, l'inconnu du dancefloor ? »

J'vois bien qu'il est difficile de converser dans un endroit pareil. En général, c'est leur corps que les gens font parler, ici. A travers une danse, un baiser, des gestes sensuels. Mais pas avec des paroles. Le bruit m'empêche d'entendre sa réponse. Je n'comprends déjà pas ce qu'elle raconte après être tombé sur moi, mais c'est pire maintenant que je lui ai demandé son nom. Je plisse les yeux, tentant de lire sur ses lèvres. En vain, je n'ai pas été formé pour ça. Et, j'n'ai pas de don particulier. Alors, elle se rapproche de moi et monte sur la pointe de ses pieds. Je me cambre instinctivement, pour que mon oreille lui soit plus accessible. Elle murmure un nom qui ne m'ait pas inconnu. Impossible de me rappeler où je l'ai déjà entendu, cependant. De toute façon, des Melody, il doit y en avoir des milliers dans le monde. J'attrape sa nuque pour, à mon tour, approcher son oreille de ma bouche, et balance un simple: "Travis." Je pointe le comptoir qu'on ne parvient, cependant, pas à voir à cause de la foule du doigt. "J'te paye un verre Melody?", que je renchéris en gueulant. Heureusement que j'ai une voix qui porte assez pour être entendue dans un brouhaha pareil.

le mec prend la nuque à melody. des frissons lui parcoure l'échine. pendant un certain temps, melody pense que l'inconnu va l'embrasser. mais non. elle ignore pourquoi elle a pensée à ça. il ne fait que lui susurrer son nom à l'oreille. l'inconnu s'nommait travis. t-r-a-v-i-s. travis. melody connaissait se nom. elle ignore d'où. mais elle le connaît. ce nom était récent dans sa mémoire. imprimé sur son cerveau. en lettre indélébile. mais elle avait oublié de noter qui c'était. elle savait seulement qu'elle n'identifiait pas ce nom à de bons souvenirs. p't'être bien que c'était un mec un peu trop collant. mais c'était sûrement pas lui avec elle dans la boîte de nuit. elle le sait. elle imagine que c'est un mec de son ancienne vie. un connard comme les autres. elle venait d'arriver à banff. n'avait parlé qu'à quelques individus. mais à aucun travis. excepté lui. « j'te paye un verre melody ?», cria-t-il pour enterrer la musique. en guise de réponse, melody se contente de hocher la tête. un verre de temps à temps, ça ne fait de mal à personne. elle prend la main de travis et l'entraîne dans la foule.

J'suis assez entreprenant, assez tactile comme mec. Je n'réfléchis pas bien longtemps avant de faire des avances à une fille ou de poser mes lèvres sur les siennes. C'est comme ça, j'suis comme ça. Spontané, insouciant, salaud. Tout c'qu'elles n'aiment pas, et pourtant, elles m'adorent. La p'tite blonde, bien que son nom me rappelle quelque chose, m'ait entièrement inconnue. C'est la première fois que j'la croise dans le coin. J'la scrute, sans m'dire que j'pourrais la mettre mal à l'aise, elle est mignonne. Très mignonne. Alors, je n'vois pas pourquoi je ne lui paierai pas un verre. Ce que je lui propose et qu'elle accepte aussitôt. J'sens sa main qui se glisse dans la mienne et je n'peux me contenir de sourire alors qu'elle prend les devants pour nous mener jusqu'au bar. J'la suis, mais j'vois bien qu'elle a du mal à imposer son p'tit corps face à cette foule sans cœur. Alors, ma main toujours dans la sienne, je me mets devant pour nous frayer un chemin plus facilement. On arrive au comptoir où j'vide, d'une traite le verre que j'avais déjà en main. J'en ai perdu la moitié du contenu au moment où elle m'est tombée dessus. J'le pose devant le barman, brandissant deux doigts pour qu'il comprenne ce que je veux, avant de fouiller dans ma poche pour trouver un peu d'argent. J'en extirpe un billet qu'il m'arrache presque des mains, tout en me donnant ce que j'veux. J'lâche alors la p'tite main de Melody pour attraper les boissons et lui en tendre une. "A la tienne.", que je continue, encore et toujours, de gueuler.

melody est incapable de se frayer un chemin. les danseurs lui bloquent le passage. la frappe. la pousse. melody se sent faible face à la foule. son corps fragile contre les corps solides. elle pense se casser en deux. comme une poupée de porcelaine. la ballerine réalise qu'elle n'est pas à sa place. puis arrive le chevalier. travis. il se place devant melody, sans rompre le contact. il réussit aisément à leur frayer un chemin jusqu'au bar. melody se sent faible. le jeune homme commande deux verres. melody en prend un, bien trop grand pour sa petite main. « à la tienne. » la ballerine prend une gorgée. c'était dégueulasse. elle cacha une grimace avec un sourire. melody ignore comment continuer la discussion et un malaise s'installe entre les deux. melody reprend une gorgée puis s'approche à nouveau de l'oreille de travis. « merci pour le verre. je te dois ça. » melody se souvient d'avoir dit un truc semblable récemment. mais elle efface cette pensée de sa mémoire.

J'suis un bon buveur. J'ai pas d'mal avec l'alcool. Aucun mal. Ça passe aussi facilement qu'un coca, voire de l'eau. C'est quand j'fais d'autres mélanges que j'commence à partir en vrille, à aller moins bien. En revanche, Melody n'a pas l'air aussi à l'aise avec ce genre de boisson. J'aurais peut-être dû demander au barman de forcer un peu moins sur la vodka. Mais, y a pas moyen de communiquer ici. Alors, le malaise s'installe, j'regarde la foule parce que je n'sais pas quoi faire, j'bois dans mon verre, puis je me rabaisse de nouveau à sa taille quand elle s'approche pour me dire quelque chose à l'oreille. J'me contente de lui sourire, ne tiltant pas tout de suite ce qu'elle vient de dire. J'entends vraiment que dalle. Donc, j'sors mon portable de ma poche et j'le lui tends pour qu'elle me donne son numéro. J'suis déjà dans la fiche de contact, j'ai même écris son nom. "Comme ça, si on veut s'parler, on aura qu'à s'envoyer un message.", que je balance en m'approchant, à mon tour, d'elle. Tant pis si on passe pour des associables à côté des autres, avec nos cellulaires en main.

melody se serait cru dans un autre pays. un endroit où personne ne parlait l'anglais. ou elle était incomprise. chaque fois qu'elle parlait, travis ne comprenait pas. il lui aurait fallu un porte-voix pour se faire comprendre. ou des sous-titres. la petite voix de melody était incapable de rivaliser contre le brouhaha de l'endroit. travis sort son cellulaire. melody a la certitude qu'il n'a pas compris ce qu'elle a dit et qu'il s'ennuie. elle se sent comme de la merde. finalement, non. il propose un truc. se parler par textos. c'est assez brillant. melody sort son cellulaire, l'ouvre et entre le nom de travis dans ses contacts. elle s'approche à nouveau de son oreille pour lui dicter lentement son numéro. « 833-1324. » elle n'avait pas tendance à donner son numéro à n'importe qui. mais travis n'était pas n'importe qui.

Impossible de comprendre ce qu'elle dit avec ce bruit. Sa petite voix ne parvient pas jusque mes oreilles, pourtant ce n'est pas faute d'essayer. Alors, j'propose une toute autre idée, bien meilleure à mon goût. J'lui tends mon cellulaire pour qu'elle y entre son numéro mais j'pense qu'elle n'a pas compris mon geste. Au lieu de ça, elle me dicte les quelques chiffres qui composent ce dernier à l'oreille. J'vais finir par avoir une scoliose à force de me pencher. Finalement, c'n'est pas si bon d'être un géant. Quoiqu'il en soit, j'prends rapidement note et l'enregistre dans mes contacts. Mais au moment où je m'apprête à lui envoyer un message pour qu'elle ait mon numéro aussi, je me rends compte qu'une conversation avec ce numéro existe déjà. J'remonte doucement dans les messages, j'pense que l'incompréhension se lit parfaitement sur mon visage. J'relève les yeux, la dévisage. Mais oui. Je m'en souviens maintenant. Ce nom. J'me disais bien qu'il me rappelait quelque chose. J'commence à rire, amusé de la tournure que prennent les choses, puis je lui envoie un message qui ne veut absolument rien dire, une succession de lettres qui ne forment pas de mot, pour qu'elle tombe sur notre conversation précédente elle aussi. Je n'm'étais pas trompé sur un point, c'est déjà ça: elle n'a pas quinze ans. Sinon, elle ne serait pas ici, à cette heure-ci de la nuit.

travis se tord de rire. son visage se déforme. devient presque monstrueux. melody, les yeux ronds, ne comprend pas. travis écrit un truc sur son portable. le cellulaire de melody vibre dans ses petites mains. elle regarde ce qu'elle vient de recevoir. c'est un mot sans aucune logique. mais y'a déjà une discussion avant. elle lit. lentement. travis. c'était le mec qui essayait d'la baiser. qui voulait des faveurs sexuelles en échange d'un canapé. melody lève le regard et regarde travis. elle ne rit pas. elle n'a qu'une envie : courir. courir à travers les gens. sortir de la boîte de nuit. courir dans les rues. courir vers d'où elle vient. mais elle n'a pas la force. et reste sur place. melody dépose son verre sur le bar pour pas le laisser tomber. elle envoie un texto à travis. et le dit à voix haute. « j'dois aller aux toilettes. » mais elle n'a aucunement envie d'aller là. elle veut sortir. partir loin de cet endroit. melody fait un pas en avant et tente de disperser les danseurs. en vain.

Clairement, ça m'fait rire. Mais, j'aurais dû me douter que la réaction de Melody ne serait pas la même. Faut dire que j'ai pas été des plus galants par message, mais j'n'en ai pas honte. C'est ainsi que j'fonctionne. Alors, j'vois son visage qui se décompose en quelques sortes et j'reçois aussitôt un message qui me refroidit aussitôt. Ok. J'l'ai bien compris. C'est pas aux toilettes qu'elle veut aller. Enfin, sauf si elle a envie d'gerber. Mais, allez, on va pas en faire des caisses, j'suis un mec, j'suis un idiot, c'est vrai, mais faut pas tout prendre au sérieux non plus avec moi. J'comptais pas vraiment profiter d'ses services. J'n'aurais pas dis non si elle s'était montrée intéressée- surtout maintenant que j'la vois en vrai-, mais c'n'était pas le cas. Alors, il n'devrait pas y avoir de malaise. J'pose mon verre aussi, on va sûrement nous les piquer, mais j'm'en fous. J'vois bien qu'elle n'est pas bien. Puis, elle a du mal à avancer. Donc, j'la rattrape, j'la prends par le bras et j'tente de pousser les p'tits cons qui refusent de la laisser passer. Ca m'soûle, alors j'me montre plus brusque, plus violent, essuyant quelques insultes au passage, et j'en profite pour gueuler: "C'était pour rire. Les messages. C'était pour rire."

melody se sentait comme le petit chaperon rouge. travis, c'était le grand méchant loup. elle avait peur de lui. s'il était un gros pervers. le genre de mec qui mettait d'la drogue dans les verres des femmes. p't'être bien qu'il en avait déjà mis dans son verre. peut-être qu'elle allait se retrouver le lendemain dans un lit inconnu. nue. melody n'était pas prête à ça. elle voulait disparaître. s'évaporer dans l'air. mais travis était toujours là. et il l'aidait à traverser la foule. mais où l'amenait-elle ? « c'était pour rire », commença-t-il. melody refusait de l'écouter. pour rire ? vraiment ? qui peut bien trouver ça drôle ? y'a juste les mecs pour rire de ça. tous des pervers. ils pensent tous avec leur entre-jambe. on dirait qu'ils n'ont pas de cerveaux. melody avait envie de pousser travis. de le frapper. de l'étrangler. mais elle était toute petite à côté de lui. et elle se faisait traîner à travers la boîte de nuit.

Ma présence la dérange soudainement. J'sais pas quoi penser. Ces messages, c'était une blague. Une simple blague. J'suis exactement l'genre de mecs qui prend les numéros notés sur le tableau d'affichage pour envoyer des messages salaces. C'est moi, ça. Mais j'suis pas un gros dégueulasse. J'n'harcèle pas, j'couche pas sans l'consentement d'la fille. Merde, j'suis juste un mec. On a tous fait ça, au moins une fois dans notre vie. J'ai oublié d'grandir, mais est-ce vraiment mal ? J'vois qu'mes explications n'l'intéressent pas. J'pourrais très bien bien la lâcher là, au milieu d'la foule, et m'casser, mais non. Au lieu d'ça, j'la tire brusquement vers un coin d'la boîte où il n'y a pas trop d'monde. J'la coince, là, saisissant son visage entre mes mains. "J'te l'jure, Melody, c'était une blague. J'suis désolé si j't'ai fais peur." Puis, bon, au final, j'lui ai quand même filé un numéro pour qu'elle trouve quelque part où dormir. Ça prouve bien qu'mes intentions n'étaient pas réellement mauvaises. Puis, j'la relâche, lui tournant le dos, gueulant au passage: "Laisse tomber." Pourquoi j'me prends la tête avec une inconnue ?

travis jurait. il jurait qu'il n'avait aucune intention mauvaise. qu'il était sincère. qu'il ne faisait que blaguer. melody ignore quoi penser. coincée contre un mur. son joli visage coincé entre les mains fortes de travis. melody ferme les yeux. quand elle les rouvre, il n'y a plus aucune main sur son visage. travis est dos à elle. prêt à partir. « laisse tomber », dit-il, plus aucune motivation dans la voix. melody reste figé sur place. même si elle disait quelque chose, il n'entendrait rien. elle prend son cellulaire et lui envoie un simple « désolé ». la ballerine s'approche de lui. met sa main sur le dos de travis pour se soutenir. se met sur la pointe des pieds. avance ses minces lèvres de son oreille. mais ne dit rien. elle est muette face à la situation. elle ignore si elle veut que travis reste. ou si elle veut qu'il parte.

Spoiler:

J'suis prêt à partir, à la laisser s'en aller. Après tout, c'est c'qu'elle veut. Pourquoi la retiendrais-je plus longtemps ? C'n'est pas comme si nous nous connaissions avant. Et, alors que j'me dirige de nouveau vers la foule, mon portable vibre dans ma poche. J'le saisis et quelle n'est pas ma surprise quand j'découvre le nom de l'expéditeur du message. J'sens aussitôt une main se poser dans mon dos, un petit souffle dans mon oreille. J'me retourne doucement, lui faisant face, ancrant simplement mon regard dans le sien. J'reste muet, comme elle, puis j'passe ma main dans ses cheveux. Là, comme ça, j'ai envie de poser mes lèvres sur les siennes. Mais j'ignore si c'est vraiment le message qu'elle m'envoie. Va-t-elle m'en vouloir ? Où est-ce justement ce qu'elle attend de moi ? J'abandonne finalement l'idée de l'embrasser. Au lieu de ça, j'rapproche à mon tour mes lèvres de son oreille. Mais, comme elle, j'ignore quoi dire. Alors, j'reste immobile.

Spoiler:

la musique bourdonne dans les oreilles de melody. elle la rend sourde. elle la rend muette. la musique lui donne le tournis. et puis y'a travis. ce bel inconnu qui n'en était pas un. melody sent ses mains dans sa chevelure blonde. elle ferme les yeux. va-t-il l'embrasser ? veut-elle qu'il l'embrasse ? sa respiration devient plus haletante. plus saccadée. melody attend un baiser qui ne viendra jamais. elle rouvre les yeux. travis se prépare à lui chuchoter un truc dans les oreilles. mais il dit rien. alors melody plonge son regard dans le sien. le temps ralenti. le cellulaire toujours dans les mains, elle envoie un message à travis. un message simple, direct. « partons d'ici ». la soirée était terminée. il était temps de parler. et toute cette musique lui donnait la nausée.

J'bouge pas. Elle non plus. Nous sommes immobiles au milieu de cette foule effervescente. Et alors que je savoure l'agréable odeur que son cou exhale, Melody interrompt l'étreinte. Elle m'envoie un message qui me laisse perplexe mais auquel j'réponds assez vite par un mouvement d'tête. J'saisis aussitôt sa main et défie à nouveau le monde. Je tente de ne pas m'énerver contre ces guignols qui agitent les bras dans tous les sens, sans se demander si ils dérangent. J'sais bien qu'ils sont là pour ça, danser, mais, ils m'agacent. J'parviens enfin à voir le bout de ce tunnel, alors j'me tourne vers Melody et j'attends qu'elle prenne maintenant les devants.

qu'est-ce que melody foutait là ? elle n'aurait jamais dû aller danser avec le sasquatch. elle aurait dû rester dehors. se faire refouler à l'entrée. de toute façon, elle n'a pas dix-huit ans. elle aurait dû se coucher dans un champ. regarder les étoiles. fermer les yeux. dormir. mais non. elle voulait danser. c'était son envie la plus folle. jusqu'à ce qu'elle rencontre travis. travis. le même travis qui lui avait fait des avances sexuelles par textos. des « blagues ». il lui avait payé un verre. il avait été gentil. mais elle, elle agissait comme une conne. elle l'envoie paître. puis quand il part, elle s'excuse. bien évidemment. un classique. « melody, la fille qui ne sait pas ce qu'elle veut ». et là elle se laisse traîner par travis entre les danseurs. y'a de l'air irrité par leurs mouvements. c'est compréhensible. dans la boîte de nuit règne le chaos complet. les gens se frottent contre des inconnus. des verres se cassent contre le sol froid. des gens se repoudrent le nez dans les wcs. et à travers tout ça y'a eux. désabusés. espérant atteindre la sortie avant la fin du monde. et ils y sont arrivés. travis cède la voie à melody. elle ne lui lâche pas la main et l'entraîne dehors. il fait froid. melody n'a pas de manteau. oublié dans l'camion du camionneur bedonnant. l'enculé. melody remonte le col de sa chemise et lâche la main de travis. melody se prépare à parler. pour la première fois de la soirée, travis va entendre sa voix. « j'en avais marre de la musique... » elle grelotte. « ... et puis j'voulais te parler. désolé pour mon comportement. j't'un peu chieuse... » elle joue avec ses cheveux. « ... j't'en veux pas tu sais. » melody s'adosse contre le mur glacial de la boîte de nuit. la nuit est calme.

J'la laisse passer, prendre les devants pour voir où elle veut bien nous mener. C'est-à-dire dehors. Le changement de température est brutal. Nous respirions la transpiration des danseurs, il y a peu. Nous voila, maintenant, affrontant le vent froid de la nuit. J'l'écoute attentivement, souriant. Mais, j'reste muet. "Attends deux secondes, tu veux bien ?" J'l'abandonne un petit moment pour retourner aux vestiaires et demander à ce qu'on m'rende mon gilet en échange de leur papier minable où sont inscrits deux chiffres. On s'exécute et j'ressors aussitôt, trouvant Melody là où elle je l'avais laissée. J'pose mon gilet sur ses petites épaules frêles et reste immobile quelques secondes, profitant de cette proximité pour finalement saisir son visage entre mes mains et poser mes lèvres sur les siennes. J'en mourrais d'envie. J'en meurs d'envie.

mais où va-t-il ? il l'abandonne, la laissant seule dans la nuit, adossée contre le mur glacial de la boîte de nuit. melody a froid. elle grelotte. elle rêve d'un foyer. elle rêve d'une couverture dans laquelle elle pourrait se blottir et dormir. elle rêve d'un manteau. rêve qui se réalise rapidement. melody n'a plus froid. mais elle ne remercie pas travis. elle ne regarde pas travis. elle aimerait pouvoir trouver les mots pour dire ce qu'elle ressent, mais elle ne les trouve pas. mais lui il les as trouvés. ce n'était pas des mots. c'était un baiser. melody voulait rompre le contact. melody espérait qu'il arrête. melody désirait le repousser. mais elle ne faisait rien. elle se laisse embrasser. lèvres contre lèvres. puis vint le moment où les bouches se séparèrent. et où melody devait dire quelque chose. « je... », commence-t-elle à dire. « ...euh... », continue-t-elle. « ...tu ne connaitrais pas un endroit où on pourrait se réchauffer ? » melody a peur qu'il ne comprenne pas le sens de sa question. elle ne voulait pas baiser. elle voulait seulement se réchauffer.

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