Je devais encore une fois aller à la banque. J'en avais un peu marre, je ne cessais de voir mon conseiller et j'avais pensé qu'à présent, je n'avais plus à venir aussi souvent. Mais bon, pour le coup, cela avait été ma faute, j'avais oublié de lui donner tous les documents. Enfin bref, tout cela pour dire que je me retrouvais dans la file d'attente pour atteindre le guichet et donc avoir le droit de voir mon banquier, c'est un comble toutes ses étapes juste pour voir un homme. Dans cette file, je ne cessais de regarder l'horloge, je n'aimais pas perdre mon temps ici. Non, clairement pas. Avançant lentement, trop lentement, l'homme devant moi fit tomber un bout de papier. Instinctivement, je me baissais pour récupérer le papier avant de tapoter sur l'épaule du jeune homme. « Excusez-moi, mais vous avez fait tomber ce papier. » lui dis-je avec un sourire aimable.

Lorsque je le vis froisser son papier, je ne su pas quoi dire. Ce papier n'était pas à lui ? ou lui rappelait-il un mauvais souvenir ? je n'en sais rien mais sa froideur ne me demande pas envie d'en savoir plus. Il me fait dos et je ne cache une expression de déception. J'aurais du m'abstenir. Il finit par se retourner et me parler. Cela ne fait que me surprendre une nouvelle fois. Je suis censée comprendre quoi ? il se sent coupable de sa froideur ? peut-être, du moins, cela montre qu'il est dans une mauvaise phase et qu'il n'est peut-être pas d'ordinaire aussi froid. Enfin, ce ne sont que des suppositions, en réalité, je n'en sais rien, je ne connais pas ce mec. « Honnêtement, j'ai l'impression que peu importe l'heure, il y a toujours autant de monde. Je suppose que le midi, il y a plus de personne, pause de midi oblige. Les gens profitent de la pause déjeuner. » Cela me rappelle que j'ai sans doute été idiote de venir à cette heure. J'ai l'impression d'être comme ces vieux qui vont faire les courses le vendredi soir ou le samedi pour avoir du monde.

J'avais souvent raison, en même temps, j'étais une femme. A cette réflexion, je souriais intérieurement. Je m'amusais souvent avec ces clichés ridicules. Soudainement, il me donne son prénom et tend sa main avant de s'abaisser maladroitement pour rattraper son bout de papier. Cette attitude me décroche un sourire tendre. Ce changement de comportement est troublant. Se redressant, il continue à me tendre la main. « Stacy » lui dis-je en lui serrant la main. Il donne une apparence vraiment différente de la première impression. Il apparait moins froid mais à présent amicale. Ce n'est pas fait pour me déplaire. « Il faut avancer. » ajoutais-je avec un sourire amicale en lui faisant signe que la file avait avancé. « Cela ne va rien changer, mais je suis certaine que l'on va se faire lyncher si on avance pas de ce petit mètre. » J'eu un rire en passant une mèche de cheveux derrière mon oreille. M'attardant un peu sur ces traits, je trouvais son regard vraiment troublant.

Rigolant quelques instants, je le suivais dans son pas pour arrêter d'agacer nos voisins. Il semblait être détendu, bien loin de l'homme froid que j'avais croisé il y a quelques minutes. Je préférais largement ce jeune homme. Son regard me déstabilise d'ailleurs et je ne peux m'empêcher de regarder le sol que je trouve soudainement très intéressant. Il me demande alors si je vis ici depuis longtemps ce qui me fait me redresser. « Je me suis installée en ville il y a peu. Un nouveau départ… tu vois… » Oui c'était tout à fait cela, j'avais eu besoin d'un nouveau départ et Banff c'était montré un très bon lieu. « Et toi ? tu es de passage ? ou tu envisage de t'installer ici ? » Ma question semblait idiote mais il semblait sous entendre qu'il n'était pas d'ici, il était peut-être un de ces jeunes qui venaient pour un boulot saisonnier. Bon sang, il faut que j'arrête de parler comme si j'étais une vieille de 60 ans, je suis sans doute plus jeune qu'Ulliel.

Il me dit qu'il vient d'arriver et envisage de s'installer. C'est une bonne chose. Voir quelqu'un s'installer dans une ville, surtout aussi sympathique que semble l'être Ulliel n'était pas une mauvaise chose. Je détestais l'idée de solitude, c'était d'ailleurs pour cela que j'avais une colocataire. Il continuait en disant qu'il n'avait pas grand chose. Je ne savais que comprendre, il était pauvre ? ou avait-il rien pour se loger au vu de son arrivé le matin même. Je reconnaissais ne pas trop savoir, mais il me semblait être assez propre sur lui pour voir qu'il était sans doute dans la seconde option. « Tu sais, si tu as besoin d'aide pour t'installer, je peux t'aider. » Cette phrase me surprend moi-même car je ne suis pas du genre à proposer mon aide aussi facilement à un inconnu. Mais puisque j'avais changé de ville, autant aussi changer mes habitudes et mon comportement en mieux. Cela ne me ferait pas de mal.

Après un moment d’hésitation que je sens chez lui, il finit par accepter ma proposition d’aide ce qui me fait sourire. Je ne sais pas si c’est une bonne idée ou non. J’avoue que je suis d’ordinaire effrayée par les inconnues, mais je me dis qu’il faut absolument que je me force un peu et Ulliel est vraiment sympathique. Il me demande alors si je suis disponible dans la journée voir la soirée. Il ne finit pas sa phrase mais affiche un léger sourire ce qui me fait décrocher un froncement de sourcil. Il y a quoi après la soirée ? la nuit ? il oserait faire ce genre d’avance aussi tôt ? Je me passe alors nerveusement une main dans les cheveux me disant que je suis trop paranoïaque. « Je pense être pouvoir me libérer dans l’après-midi. Attend, je te passe mon numéro. » Je sors alors une carte de visite que j’avais préparé pour mon entreprise et lui tend. Il y était inscrit que j’étais conseiller juridique.

Il m’annonça alors qu’il comptait m’envoyer un message dès qu’il serait dispo et j’approuvais cette attitude par un signe de tête. Je me demande ce que peuvent bien être ses « trucs ». En espérant qu’il ne soit pas un revendeur de drogue ou un truc dans le genre. C’est alors à son tour de passer. Je restais derrière l’habituelle ligne blanche tout en détournant le regard pour lui permettre que ce qu’il se passe reste confidentiel. Et dieu sait que c’est dure au vue de ma curiosité maladive. «  A tout à l’heure. » lui répondis-je une fois qu’il eut fini. J’accompagnais mon geste d’un signe de la main que je trouvais après coup ridicule, avant de m’approcher à mon tour du guichet.