Tu sortais du cinéma, t'avais les yeux encore pleins d'étoiles de ce film magique auquel tu venais d’assister. C'était un film d'amour, un film qui parlait de sentiments et ses conséquences. Tu souriais un peu, ouais, l'amour ça te manquait Cappie. Puis tu repensais à avant, cette vie à Chicago parmi l'horreur des sirènes qui nageaient dans la pollution des égouts. Puis ton amour, tes amours, ton ancienne vie. Tu marchais, tu retournais vers ton hôtel. Non, tu n'avais pas encore emménagé avec Velvet, la douce et jolie brunette. L'ange qui pouvait apaiser tes maux. C'était pour bientôt que t'allais vivre sous le même toi que cette fée, cette fée fragile qui pleurait la tristesse. Tu souriais. Ton esprit vagabondait un peu dans tous les sens. Tu passais devant un bar, puis la vision d'horreur te mangeait sur place. Tu te consumais, il y avait cet homme en sang. T'avais pas peur Cappie, t'en avais trop connu des gens comme ça dans ton passé. Tu voulais t'assurer que tout allait bien, ou plutôt, qu'il n'était pas agonisant sur le bord de la route. Tu devais l'aider, c'était un peu ça aussi la liberté. « Excuse-moi, t'as besoin d'aide ? » Tu souriais parmi le noir qui n'empêchait pas à tes cheveux blonds de rayonner parmi les étoiles.

j'suis là. épave humaine appuyée contre un mur, le cul posé par terre sur le trottoir mouillé. j'ai mal à la tête. un putain de mal de tête qui ne veut pas passer. ma boîte crânienne va exploser, c'est sûr. résultat de l'alcool trop fort qui court dans mes veines et d'une soirée qui a mal finie. des insultes, des coups... c'était trop pour moi. je m'étais barrée. maintenant je suis là, et il n'y a personne pour troubler le silence reposant de la rue. hormis quelques voitures. puis j'entends un rire. je ferme les yeux. le rire de mec entre dans ma tête. il la hante. j'ai encore plus mal. je vais devenir folle s'il s'arrête pas. il est pas dans son état normal. ça tombe bien, moi non plus. puis y'a une fille qui arrive. j'entends sa voix, de loin. mais dans ma tête, elle ressort puissance dix mille. elle résonne comme un cri sur les murs d'une caverne. elle lui propose son aide. il doit être mal en point. elle veut pas m'aider, aussi? alors je prends le caillou avec lequel je joue depuis tout à l'heure et je lui lance dessus. chut ! je lance d'une voix traînante. maintenant, j'ai l'impression de jouer le rôle d'une coincée qui demande aux autres de se taire dans un dortoir bondé.

Tu souriais un peu à travers la pénombre. Tu dévoilais tes dents blanches, non, tu n'étais pas médecin. Mais ça ne te vexait pas vraiment, tu le voyais bien dans sa façon de parler et de bouger qu'il était alcoolisé au possible. Pour une fois que ce n'était pas toi qui était dans un pitoyable état. Tu cherchais finalement un mouchoir dans ton sac, t'en avais toujours sur toi. Finalement, tu le tendais vers lui, heureuse de pouvoir aider quelqu'un qui semblait s'être pris quelques coups dans un visage d'ange. « J'ai ça pour toi... » Puis tu le voyais réagir comme un lion, il avait bondit en criant sa rage. Tu comprenais pas trop ce qu'il se passait, à vrai dire, le son de la jeune femme était trop faible pour toi. Ouais, t'avais des putains de problèmes d'auditions. Tu regardais, tu la voyais assise dans le noir. On aurait dit un chat des squattes sales qu'attendait dans un coin prêt à bondir sur sa prochaine proie. Elle sifflait entre ses dents, elle cherchait seulement la paix. T'étais même pas effrayée, à croire que t'aimais ça jouer avec le feu. T'aimais ça la compagnie des gens qu'avaient finalement trop arrosé leur soirée. Tu rougissais un peu des joues, c'était toujours gênant de pas entendre. Alors t'avouais, comme une enfant la voix triste. « J'ai des problèmes d'auditions, je n'ai pas vraiment compris. » Tu supposais qu'elle avait pesté entre ses lèvres pour que le beau brun s'énerve comme ça après son visage doux mais sale.

je m'attendais à ça, à ce qu'il s'énerve. mais je m'en fous. s'il a envie de beugler comme une vache, qu'il aille le faire ailleurs. il trouve que j'ai l'air d'une SDF? ça me fait sourire. presque rire. et là, boum. j'ai encore plus mal. putain, quand il gueule il me fait souffrir et quand il m'insulte aussi. il pourrait juste pas exister? en tout cas, je veux bien le croire. dans l'état que je suis, j'en suis une. même un SDF se met pas aussi mal que moi. mais lui, il a rien à dire parce que je suis sûre que s'il était là, assis au même endroit que moi, je le prendrais aussi pour un clochard. il devrait être solidaire. ta gueule toi. mes mots contrastent tellement avec le ton faible et posé de ma voix que ça en fait pitié. j'espère que la fille blonde -à ce que j'arrive à en voir- ne vas pas prendre ces réprimandes pour elle. elle a l'air gentille, pas comme l'autre gars qui serait prêt à me tabasser, j'suis sûre. les mecs bourrés putain, c'est pas une mince affaire. bons à jeter au fond du fossé jusqu'au lendemain matin. pour elle, je prends la peine de répéter. je disais juste au mec à côté de vous de parler moins fort. à la base, je le disais à elle aussi. mais maintenant, je le dis qu'à lui. tiens, elle devrait plutôt le lâcher, et venir m'aider moi.

C'était violent de voir deux bourrés se côtoyer, on dirait un amour vache entre deux sdf qui cherchent à prendre le dernier bout de pain avec le petit verre de vin. Tu regardais, c'était un combat sans relâche. Ça partait à gauche, à droite, un coup de poing imaginaire et des coups de couteaux qui seraient pas de trop s'ils pouvaient. Tu souriais un peu devant la scène, parce que malgré tout, ils te semblaient inoffensif tous les deux. Seulement, toi, Cappie, tu devais les calmer et les apaiser. Tu pouvais trouver ta liberté dans la solidarité. « Merci d'avoir répété, après, rester devant un bar c'est pas le meilleur endroit pour avoir la paix. Tu voudrais qu'on te ramène chez toi ? » Puis t'entendais l'autre brun qui pestiférait, il semblait énervé, amoché. Tu voulais le soigner, ou le désinfecter. Peut-être l'amener aux urgences vu le sang apparent.. La comédie romantique qu'illuminait tes yeux s'était vite estompé. « Et toi, après l'avoir ramené, je te soigne ? » Tu souriais un peu, t'essayais d'être polie et de régler le problème des alcooliques. Puis de tes grands yeux bleus, tu voyais une peau de banane voler. Tu clignais du regard, une, deux, trois fois. Non, tu n'avais pas halluciné. Tu le voyais l'autre mec avec la gueule pleine de sang, il était beau malgré tout. Puis il était fier, il dévoilait ses dents. Tu rigolais, doux rire enfantin. « C'était pas très gentil. » Puis tu te retournais vers la jolie fille au visage sale qu'était à terre. Bon, l'anarchie allait vite tourner au drame si elle le prenait mal.

une seconde de silence. une silence où le vacarme dans ma tête cesse. une seconde bien trop courte, parce que l'autre malade se remet vite à me gueuler des choses incompréhensibles de l'autre bout de la rue. dans sa phrase, je comprends seulement un mot. "connasse". une connasse, moi? peut-être bien. tu devrais mal le prendre, me souffle une petite voix dans ma tête. en réalité, je le prendrai mal si j'étais dans un état normal. je me serais déjà levée pour lui foutre ma main dans son joli minois et lui hurler les mêmes horreurs qu'il se permet de me lancer. mais là, ça me passe au dessus. en fait, ça me fait rire. et j'ai encore plus mal. c'est un cercle vicieux. faut qu'il se la ferme pour que j'aille mieux. mais quelque chose me dit que, alcoolisé comme il est, il aura pas assez de bon sens pour se taire. puis deux secondes après, j'suis encore plus paumée. je me reçois un truc bizarre en pleine figure. je comprends rien à ma vie. je soulève cette chose du bout des doigts pour l'examiner. c'est jaune et ça a l'air bien dégueulasse. quand je comprends que c'est une peau de banane, ça me fait encore plus rire. héééé ! d'où il se permet de faire ça? j'ai envie de le taper. mais je le ferai pas. j'ai assez de force pour lui balancer cette chose visqueuse dessus, et aussi pour lui balancer un autre caillou en plein dans le ventre. si ça pouvait le faire vomir, ce serait bien. je vais le lapider, si ça continue. pourquoi t'as fait ça? j't'ai rien fait. contrairement à moi, lui, il a l'alcool mauvais. quoique...
et ça a l'air de plutôt bien faire rire la blonde à ses côtés. je sais pas à qui elle parle, je comprends plus rien à ce qui m'arrive. je crois que c'est à moi, mais dans ma tête, j'ai pas le déclic. oui, c'était pas très gentil ! c'était méchant, même. excuse toi. madame, dites lui de s'excuser... madame? pourquoi je l'appelle comme ça? on doit avoir le même âge, si elle est pas plus jeune que moi. et maintenant, je suis sur le point de chialer. foutu ascenseur émotionnel. franchement, l'alcool, ça me réussit pas.

On dirait deux enfants, deux enfants qui se battaient pour un bonbon. En l’occurrence Cappie, c'était toi la friandise. Tu souriais un peu, tu finissais d'exploser ton rire contre le vent. Pourquoi il avait fait ça, tu n'en avais aucune idée. Sûrement à cause de son alcool qui remplaçait son sang dans ses veines. Puis tu sentais son regard au brun, ce beau gosse qui faisait le gangster le sang sur son visage d'apollon. Il te détaillait, ça pesait dans l'air comme un coup de tonnerre. Tu te touchais les mains, t'étais gênée. Et t'étais vieille blondie, tu te faisais appeler madame. Tu disais rien, de toute manière, il ne valait mieux pas les contrarier. Tu murmurais simplement contre tes lèvres. « A quoi ça sert d'essayer... » Seulement, ta bonne humeur ne quittait pas tes traits. Poupée trop blanche et blonde, tu regardais le mec ensanglanté qui te faisait face. T'avais pas vu les cailloux, mais tu rigolais, encore un peu. Ça te faisait du bien de sortir un rire cristallin, ça réchauffait ton coeur et tes yeux. Yeux océans trop grand pour vivre sainement. T'avais envie de fumer un petit joint Cappie. Mais tu revenais à tes esprits quand tu voyais l'homme qui bougeait. T'avais même pas répondu sans t'en rendre compte. « C'était de bonne guerre. » Ton pouls s’accélérait, tu ne voulais pas qu'il la frappe ou quelque chose comme ça sinon, ça serait trop compliqué à gérer. T'étais soulagée, il la pointait du doigt, c'était un ado autoritaire pas content. Puis tes paroles qu'étaient ignorées un peu plus tôt, le brun venait les rappeler. Oui, il fallait la ramener chez elle pour qu'elle soit en sécurité. Après tout, aussi bourrée elle pourrait se faire violer par un vieux mec qu'était bourré de MST depuis ses quinze ans. « Oui viens, on va te ramener chez toi. T'as besoin d'aide pour te lever ? » Tu la regardais en t'approchant, tu voyais un peu plus son visage. Elle était joli la petite sdf passagère. Puis comme un rappel, pour montrer que tu ne l'avais pas oublié, tu disais à l'intention du beau brun. « Et toi après, il faut te soigner ! » Tu faisais la maman avec deux enfants, ça te ressemblait pas vraiment, Cappie.

un. deux. inspire. expire. respire, doucement. les larmes qui occupaient mes yeux se retirent peu à peu à l'image des vagues sur la berge. t'es conne, diane. faut que j'arrête. je fais plus la conne, maintenant. j'ai assez fait chier le monde. et puis, je crois que je viens de briser l'instant dégoulinant de romantisme et de tendresse qui était en train d'opérer entre eux. j'arrête de parler, voilà. mais faut pas que l'autre me provoque à nouveau, sinon j'enverrai valser mes bonnes résolutions. faut pas me chercher. je soupire. j'ai l'impression d'être seule. seule contre le monde. je suis désespérée. tout deux m'ordonnent de me lever. je suppose que c'est une bonne idée. de toute façon, j'compte pas rester là toute la nuit, encore moins toute ma vie. non, merci. je réponds ça à la blonde qui venait de me proposer son aide pour me relever. j'me dis que je suis peut-être bourrée, mais pas handicapée. je serai vieille et assistée bien assez tôt. alors je prends appui sur mes mains et essaye de pousser sur mes jambes pour quitter le sol. putain, c'est dur. j'y arrive mais je tangue comme le titanic avant de sombrer vers le fond de l'océan. sauf que moi, je me retiens au mur. heureusement qu'il est là, lui. sinon j'aurai la face écrasée contre les graviers à ce moment même. je suis debout, je place une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille puis j'en profite pour retirer maladroitement les graviers qui se sont imprégné dans mes paumes. j'ai la tête qui tourne, la rue tangue autour de moi. je ferme les yeux un instant, tentant de retrouver mes esprit. c'est loin, je peux y aller seule, c'est bon. j'habite dans une tente, à l'autre bout de la ville. je suis pas un boulet. je sais encore mettre un pied devant l'autre. j'ouvre à nouveau les yeux pour faire un essai. moi je trouve que j'y arrive plutôt bien ! enfin, j'dis ça mais j'ai peut-être l'air d'une grosse pochtronne qui sort d'un bar, ivre morte et qui marche de travers.

C'était deux bourrés, deux alcooliques, deux paumés, deux âmes égarées. C'était un balai de la déchéance, c'était un balai du désespoir. Pourquoi se foutre si mal ? Quand toi tu le fais Cappie, c'est pour oublier. Et eux, c'était quoi les raisons ? Finalement, tu fermais un peu les yeux, tu te passais une main derrière la nuque. La jeune fille c'était relevée, enfin. Tu soupirais un peu, elle savait tenir debout. Un frisson venait parcourir ton corps quand elle manquait de tomber. Mon dieu, t'étais pas au bout de tes peines avec les deux inconnus. Puis elle protestait, encore, elle voulait rentrer seule. Tu réfléchissais un peu, tu savais pas trop quoi dire pour la convaincre. Puis comme un ange, il venait t'aider, encore une fois. Ouais, l'homme parlait, vous vous exécutiez. T'étais pas vraiment d'accord avec ça, seulement, c'était l'unique moyen de raccompagner la jolie sdf. Tu souriais un peu, il était mignon avec ses airs d'enfant raté. Le beau brun, on dirait qu'un ado perdu dans un monde trop grand, ouais ce monde qui lui convenait peut-être pas. Puis toi Cappie, le monde te convenait-il ? Tu soupirais un peu, songeuse. Finalement, une main te rappelait à l'ordre, peut-être que ce soir, c'était des perches mutuelles que vous vous lanciez entre vous. Tous solitaire mais toujours solidaire le temps d'une nuit étoilée. Tu rigolais un peu à sa remarque, là, contre son torse. Ton souffle chaud venait s'écraser contre ses muscles. Même bourré, son bras avait quelque chose de réconfortant. Tu devais le soigner, après, pour le remercier. Ou plutôt si ce n'était pas trop profond tu pourrais. « Mais tu es le prince. » Tu souriais au garçon mais également à la jeune fille. Tout le monde allait rentrer en sécurité. Finalement, tu les détaillais un peu les inconnus. « Bon allez, on te raccompagne jeune fille. T'habites où ? » T'espérais qu'elle s'en souvienne, sinon, tu allais la ramener chez toi. On ne laisse pas dormir les gens dans la rue, ça ne se fait pas. Pourtant Cappie, combien de fois étais-tu passer devant des personnes sans domicile à Chicago ?

le plus dur était fait. je tenais sur mes jambes, maintenant. d'un équilibre précaire, d'un équilibre instable, comme toute ma vie durant mais d'un équilibre quand même. je lâche doucement le mur. millimètre par millimètre, j'écarte doucement ma main de ce mur bétonné qui m'avait tenue depuis le moment où j'avais décidé de poser mes fesses contre lui. adieu. j'ai envie de lui dire au revoir, à voix haute mais je me retiens. si je le faisais, je passerais encore plus pour la fille perchée alors je me contente de sourire. ils le verront sûrement pas. et puis s'ils le voient, ils mettront ça sur le compte de l'alcool. le gars lance une phrase. une phrase que mon cerveau en déroute juge un peu trop machiste. je fronce un instant les sourcils pour riposter mais les mots ne me viennent pas. je me contente de hausser simplement les épaules. allez, j'lui donne raison. pour cette fois. puis voilà que celui qui m'a balancé une peau de banane en pleine gueule me prend par le cou après avoir fait de même avec la jolie fille. encore une fois, je suis sur le point de virer sa sale main de mon épaule. mais décidément, j'en ai pas le force non plus. une vraie petite soumise, et ça me désole. je soupire. alors pour compenser, je prend appui sur lui comme sur une béquille. de toute façon, s'ils étaient pas là à me soutenir, je me serais étalée sur le sol à coup sûr. je comprends pas tout. ils parlent de prince. je me sens un peu comme le royaume ennemi, celui qui a combattu contre son adversaire et qui a signé un traité de paix. ou une trêve. alors je pose la question. on a fait la paix? ça fait un peu question de CM1 mais j'peux pas faire autrement. d'un œil, je repère une étendue rouge qui s'étend jusque dans son cou. il me faut bien quelques secondes avant de comprendre qu'il est couvert de sang de ce côté là. mais t'es plein de sang toi! rien qu'y penser, ça me fait frissonner. même bourrée, j'arrive pas à voir ce genre de chose. puis tandis qu'on commence à marcher à ce qui me semble être l'allure d'une ferrari, mais qui doit être en réalité l'allure d'un escargot... la sauveuse prend la parole. "jeune fille". je me vois encore plus dans le rôle de la gamine et elle dans le rôle de la maman, de la madame. dans une tente. trois petits mots. j'ai envie de leur dire : désolée, j'peux pas faire mieux, avec des petits yeux de chiens battus mais j'y arrive pas non plus. si je parle plus, je vais m'emmêler dans mes mots et ça va être l'horreur. tout ce que j'espère, c'est qu'ils vont voir d'où je parle.