counting stars.

counting stars tu t'es garée pas loin, côté pratique. étant donné que t'es bloquée dans cette ville, autant en tirer des avantages. la douce chaleur de la nuit t'enveloppe. allongé sur l'herbe, les yeux rivés sur le ciel, tu contemple le spectacle. seul est le bruit de la cascade.

il fait nuit, il fait noir. tout là haut dans le ciel des lumières s'allument, et s'éteignent, c'est des étoiles qui naissent puis disparaissent. à des années lumières d'ici, de toi, tout ce que tu vois, c'est des étoiles qui sont mortes, déjà. y'a une silhouette allongée là, un peu plus loin. tu t'approches, l'obscurité te rendant moins timide, et tu poses à ses côtés, cheveux éparpillés autour de ta tête. c'est beau, n'est-ce pas?

un sursaut. un sursaut puis tu lève les yeux vers la silhouette qui s'est approché de toi. tes yeux tentent de voir quelques détails, en vain. elle te demande si c'est beau. tu souris, tristement. qu'est ce qui est beau ? elle, elle était belle. tu ne la distingue pas vraiment mais tu le sais. l'odeur de ses cheveux t'enveloppe autant que la chaleur de la nuit. un sourire, et l'espoir dans ta voix. le fait qu'elles brillent autant ? une pause. et la tristesse arrive. ou bien le fait qu'elles soient déjà mortes ?

tu l'as surprise, ça se voit, même dans la nuit. elle te pose des questions, faisant semblant ou pas de ne pas comprendre la tienne. elle parle étoiles. elle parle beauté. on dirait qu'elle fait partie de ces comètes dans le ciel, sauf qu'elle est allongée là dans l'herbe, on dirait qu'elle brille, et puisqu'elle est là, à quelques mètres, elle te semble bien vivante. tout. la nuit, ces petits points qui scintillent, le fait qu'on puisse les voir. même si elles sont mortes en réalité, elles ont bien vécu, tu ne crois pas?

tout, qu'elle te dis. la nuit et ces étoiles qui illuminent le ciel. est-ce qu'elles ont bien vécu ? tu hausse les épaules. toi, les étoiles, tu trouve ça beau, mais quand tu pense au fait qu'elles soient mortes, ça t'attriste. ce qui t'attriste le plus c'est le temps existant entre elles et toi. tu ne pourra jamais y être, être une étoile, viser une étoile. quelle drôle d'expression. si, elles ont bien vécus. tu tente de la regarder, tente de lui sourire. enfin ça dépend.. c'est quoi, pour toi, 'avoir bien vécu' ?

t'aimes bien parler avec cette fille allongée par terre. t'aimes bien la tournure qu'a pris votre conversation, t'aimes bien aussi ses questions qu'elle se pose et dont elle attend ta réponse. c'est quoi, 'avoir bien vécu' ? tu prends le temps d'y réfléchir, ne pas dire n'importe quoi, ne pas passer pour une idiote. pour moi, c'est avoir eu le temps de briller, entourée et nommée, pointée du doigt aussi, regardée et distinguée parmi des milliers d'autres qui me ressemble. c'est quoi pour toi ? c'est là que tu te dis, toi, alix, t'es pas une étoile, t'as pas bien vécu. t'as ni eu le temps de briller, ni d'être entourée de gens que t'aimes, de gens que tu estimes, personne ne t'as pointé du doigt en disant 'regardez, cette étoile elle brille pas comme les autres, elle est différente' t'as juste été nommée en assemblant trois petites lettres au hasard plus une croix.

sa réponse te perds. tu ne sais plus tellement si elle parle des étoiles ou si elle parle de vraies personnes. ça te semble un peu fou, de prendre une même réponse et de généraliser, de parler des étoiles et en plus des gens. toi, tu penses que personne n'est une étoile. en même temps, toi, tu pense peu de chose, ou alors tu pense penser de travers. tiens, par exemple, cette fille, tu la nommerais juste nocturne. moi.. ? tu murmure. moi, j'en sais rien.. tu lui offre un sourire, faible. à mes yeux, on peut pas bien vivre.. enfin j'veux dire, on vit et puis on meurt, et voilà. t'aurais pu dire qu'être heureux c'était bien vivre, tomber amoureux, connaitre l'amitié, la vraie, voyager ou encore même se tromper et puis se relever, recommencer, mais non. bien vivre, pour toi, ça ne veut rien dire. toi, tu vis seulement. elle est triste, ta conception. tu pense que tu as bien vécu pour le moment, toi ?

dans le noir son murmure se fait entendre, un peu timide, peu assuré, tu dois tendre l'oreille pour saisir chacun de ses mots. elle dit qu'elle sait pas, comme si elle n'avait pas d'avis. ça te semble étrange, t'aimerais bien qu'elle prenne confiance et qu'elle s'affirme, qu'elle ose te dire si elle est d'accord ou pas, qu'elle trouve des arguments pour t'encourager ou au contraire t'enfoncer, qu'elle remette en question ta vision des choses. elle te demande finalement si tu penses avoir bien vécu. dure question. dure réponse. résumée en un mot. non. et toi ? t'as eu des opportunités dans la vie, que t'as saisi au bon moment ?

son non est tellement rapide. tu as à peine eu le temps de l'entendre, de le saisir, qu'il est déjà parti dans la suite de la phrase. toi. toi, qu'est ce qu'il s'est passé ? des opportunités ? tu souris, d'un vrai sourire cette fois. elle a posé une question, elle veut des vraies réponses. alors vas y, réponds. ça veut dire quoi ça, avoir des opportunités ? tu te redresse, et réfléchis un peu. la vie c'est juste des choix, des événements. les opportunités ça n'existe pas, c'est juste des bons choix. et aucun choix n'est mauvais tant que tu ne l'a pas décidé. tu joue avec un brun d'herbe, là, sur le sol. les erreurs, ça n'existe pas. il faut que tu pense que ce soit une erreur pour qu'elle le soit réellement. tu passe la main dans tes cheveux, les tirant vers l'arrière. faire un choix c'est juste un mécanisme, comme quand une fourmis fait le choix de prendre à droite ou à gauche. tu la regarde, te pinçant les lèvres. tu n'aura jamais autant parlé à quelqu'un ici. toi, t'aime bien ta discrétion, t'aime bien ton monde, t'aime l'idée que personne ne puisse y entrer. elle, elle tente de mettre un pied dedans. tu pose ta voix calme, comme depuis le début. j'ai pas eu des opportunités, j'ai juste eu des choix à faire. et il n'y a pas eu de bon moment, j'ai fais un choix quand il fallait le faire, c'est tout.

la fille, dont tu ne connais toujours pas le nom, elle t'offre un sourire, le tien. tu le distingues avec un peu de mal, mais c'est ses dents dans la nuit apparaissent et qui te persuadent que, oui, elle a souri. elle mène alors un questionnement indirect, se posant les questions et n'attendant pas de réponses de ta part, seulement d'elle-même. en même temps qu'elle réfléchit, toi aussi dans ta tête ça bouillonne. avoir des opportunités, j'dirais que c'est la vie qui te tend la main. après à toi de la prendre ou pas. mais pour elle, ça n'existe pas. pour elle, ça s'appelle faire le bon choix. au final, vos deux logiques s'assemblent, se ressemblent, simplement formulées différemment. son 'c'est tout' à la fin te semble dur, comme si elle s'était renfermée soudainement, inaccessible dans sa carapace. mais toi tu décides de la briser. ça t'es déjà arrivé d'en regretter des choix ?

tu souris à sa réponse. t'a envie de lui dire que la vie ne tends jamais la main, que c'est à toi de faire en sorte qu'elle te tende cette fameuse main. elle a l'air rêveuse, Nocturne. t'a envie de lui répéter que chaque choix est en réalité ce geste, cette main tendue. tout n'est pas défini, la vie te laisse le choix, et c'est ça qui est beau. c'est ça, l'opportunité. c'est le fait d'avoir le choix. rien d'autre. tu met alors fin au sujet, mais elle ne semble pas vouloir s'arrêter. elle te pose une question. la question des regrets. un léger rire t'échappe. tu t'arrête jamais, toi, dis ? tu te rallonge dans l'herbe, silencieuse. tu réfléchis, tu pense à tous ses choix, tout tes choix. puis tu secoue la tête, non, je fais en sorte de ne rien regretter et d'avancer avec. tu lui lance un regard, et lui souris. finalement, tout est dans ta logique. si j'ai fais ce choix là, à ce moment là, c'est que j'avais mes raisons, et même si après coup je me dis que j'aurais pu choisir autre chose, finalement.. un sourire, finalement c'est ce choix là qui m'a construite.. tu te redresse et tente une nouvelle fois de cerner son visage. un regret c'est comme une erreur. c'en est pas un si tu ne pense pas que ça l'est. tu replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille, afin de mieux la voir. dis moi à quoi tu pense.. là, maintenant.

elle rigole, parce qu'elle vient de découvrir la partie de toi qui est curieuse, celle qui persévère, qui n'abandonne pas, qu'importe les barrières qu'on t'impose. t'auras ta réponse, même s'il faut la répéter des milliers de fois. tu souris à ton tour. non, jamais. et c'est là qu'elle te répond, qu'elle te donne plus que des réponses, plus que tu espérais. elle te montre sa manière de penser, de vivre, elle t'invite dans son monde, à réfléchir comme elle. c'est une fille qui n'a pas de regrets. t'admires ça. et puis à son tour, elle demande ce qu'il se passe dans ta tête, sous cette chevelure blonde éparpillée dans les brins d'herbes. je pense que, tu es une fille forte, tu m'impressionnes en fait. ta façon de te contrôler, de contrôler ta vie, tes choix. j'aimerais bien que tu m'apprennes à faire ça. cette dernière phrase, elle se perd avec le vent, comme une confession envolée.

t'aimes sa tendresse, t'aimes ses cheveux. tu aimes aussi le fait qu'elle soit curieuse. tu n'aurais pas répondu si elle ne t'intriguait pas un temps soit peu. alors, tu veux te glisser dans sa tête, dans son esprit. tu veux savoir à quoi elle pense, qui elle est, au fond. et elle te blesse. elle te heurte de compliments, t'aurais pu dire que ça fait mal, t'aurais pu lui dire d'arrêter, mais tu n'en fais rien. elle brise ta coquille, ta carapace, et c'est ça, ce dont tu redoutes. si elle entre, elle verra qu'en fait tout ce qu'elle pense là n'est rien. tu lui souris, suite à ces mots. tu es forte, et tu l'impressionne. elle veut apprendre. cette phrase te tire un sourire. apprendre ? ta main supporte ta tête et tu te tournes vers elle. tu réfléchis un instant, et puis demande, je peux te soumettre un choix, si tu veux.. tu te pince les lèvres, dans le noir, tu n'arrive pas à distinguer son visage. tout ce que tu vois ce n'est que des yeux, qu'un nez, et une bouche. ils sont sans couleurs, juste des formes. mais ce choix là ne t'apprendra rien du tout.. ou alors, rien de bien utile.

tu sens que t'as réussi à te faufiler dans les filets de son esprit. juste un peu. ce qu'elle te laisse entrevoir, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, en dessous, en dedans, se cache bien plus, sûrement le plus intéressant. tu veux y accéder, qu'importe le temps que ça prendra. cette fille, tu l'aimes bien, t'aimes bien votre discussion dans le noir sous le ciel noir avec les étoiles qui menacent de vous tomber sur la tête. vas-y, je ferai de mon mieux pour choisir. tu dis.

depuis qu'elle est apparue, cette envie te hante. ça te consume tellement ça fait mal. tu te moque bien de ce qu'elle pourrait penser, de ce que n'importe qui pourrait bien penser, pour le moment, ce n'est juste qu'une envie. une envie qui se cache, dans ton monde. une envie profonde, bien profonde. une envie que tu as étouffée. est-ce que je peux t'embrasser ? tu lui souris, un faible sourire. un vrai baiser, pas un baiser sur la joue, pas un baiser d'enfant, non, rien de tout ça. tu laisse un silence, et poursuis doucement, tu as plusieurs choix, maintenant. tellement de choix se posent à elle, pas juste un 'oui' ou un 'non', il y a tellement plus.

le suspense est dans l'air, il voltige entre vous et, sans que tu t'en sois aperçue, t'as retenu ton souffle jusqu'à que ses lèvres se meuvent. t'as peur de ce qui va en sortir. et t'as eu raison de craindre ce choix qu'elle t'impose, t'aurais pas du, voilà, tu regrettes, t'aurais du prendre le choix avant de dire non. maintenant tu ne sais pas quoi répondre. est-ce qu'elle peut t'embrasser ? bien sûr qu'elle peut, elle en est capable, elle a une bouche, toi aussi, donc c'est possible. est-ce que tu le veux ? non, non pas vraiment, ou peut-être un peu, juste pour voir, pour essayer, là, dans le noir, sans témoin, sans luminosité. tu sais pas, t'es perdue. ça cogite dans ta tête, tu lèves les yeux, prière suppliante aux étoiles. aidez-moi. t'as déjà embrassé une fille, c'était au speed dating. c'était rien, un smack, banal, une seconde, même pas. et là.. ça sera différent, plus long, plus intense. le choix est dur, trop dur. le pire, c'est que tu sais pas si elle est sérieuse. si elle a vraiment envie de t'embrasser, ou si elle dit ça juste pour te tester, découvrir tes limites. euuuh... et les trois petits s'évanouissent avec le vent qui chasse vos cheveux. tu fermes les yeux, et tu te lances, comme si tu faisais le grand saut du haut d'un pont. d'accord. après tout, t'en mourras pas. vois ça comme une expérience, de nouvelles sensations. maxence t'en voudras pas. et puis, il ne le saura pas. personne ne l'apprendra, y'a que les étoiles et les herbes qui pourront témoigner de votre baiser.