RÉPARER LES VIVANTS

Allez.
Pleure un bon coup.
T'as les idées trop mouillées, là.

Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? C’est pas un endroit pour elle ici. Mais pourtant elle est entrée, elle s’avance puis elle s'exclame en voyant le gamin triste. « J’ai toujours trouvé ça morne, les églises. »

Ton regard est vitreux, embué. Église austère, froid émanant des pierres. Froid émanant de ton âme. Vos souffrances se font échos quand on vous parle du paradis.

tu avais sept ans, la dernière fois que tu es entré dans une église.
tu avances, bras croisés.
tu avances en explorant du regard l'édifice.
tu avances, la gorge nouée.
tu avances sans vraiment prêter attention aux gens.
tu avances, jusqu'à l'estrade.
un temps.

tu fais demi-tour.
dieu, c'est pas ton pote.

elle n'est jamais rentrée dans une église. on ne lui a jamais appris. alors elle se décide de rentrer. et puis elle a trop froid. elle voit quelqu'un s'en aller et se rapproche de lui. « toi non plus c'est pas ton truc ? » et puis elle se rend compte qu'elle a parlé trop fort. elle sait pas, elle, comment se comporter ici.

Dieu tu n'y crois pas, tu n'y crois plus. S'il était là, pourquoi il l'aurait balayé ? Jusqu'à effacer la mémoire de ta poupée. Le feu te prend aux yeux, à la gorge, au ventre. L'incendie est déclaré. Incendie de larmes, incendie humide. Doux paradoxe. Les voix résonnent dans ta tête mais l'incendie les arrête. Il arrête tout lui.

C’est bizarre d’être là, les gens n’ont pas l’air d’être heureux, il y en a un qui s’enfuit, deux autres qui pleurent peut-être, une fille qui parle un peu trop fort et d’autres gens, d’autres personnes perdus qui cherchent du réconfort auprès de Dieu. « Putain ! » S’exclame-t-elle tout fort juste pour qu’on l’entende, juste pour déranger les gens.

Il y a une fille qui te dit que les églises, elle les trouve triste. Il y a un garçon qui n'est pas à sa place ici. Il y a une fille qui détruit le silence du lieu - pour une fois que c'est pas toi. Il y a un garçon qui a l'air d'avoir les mêmes larmes que toi, coincées dans la gorge, venant du cœur.
Et puis il y a toi.
Torrents de larmes sur tes joues. Dans tes larmes il y a Camille, dans tes larmes il y a ta famille, il y a ta France, Maxence.
Tu commences en douceur, les larmes, et puis, crescendo, tu fais de plus en plus de bruit. Même pour pleurer. Tu vas réveiller Jésus, mettre Dieu en colère, sale gosse.

Le bruit monte du côté de l'enfant abandonné. il pleure mais il ne pleure pas que pour lui. C'est un appel à l'aide, une demande d'attention. Dieu, regarde le, lui. Ta créature, ton oeuvre qui se brise au moindre coup de vent. Ne le laisses pas imploser, sauve le ou je le ferais.

Mais tu peux pas dire stop, on peut pas se battre avec les larmes alors tu les laisses faire, tu te laisses faire. Ça s'arrêtera bien un jour.
Quoique.
Les larmes sont infinies souviens-toi.
Mais là ça commence à devenir grave, tu fais un vacarme du tonerre, un vacarme de malheur, à réveiller ton frère qui dort à l'autre bout de la terre. Il faut que quelqu'un t'arrête.

Brindille chétive dans les mains de Dieu. Pourquoi t'amuses-tu à le faire plier jusqu'à ce qu'il cède enfin ? Il m'a l'air fragile et dépassé. Comme si le train de sa vie l'avait oublié. Pas à l'heure, trop chargé, il erre désormais dans la gare. En attente. Inconsciemment, tu viens poser ta main sur son épaule. Tu n'es pas le tout-puissant mais tu sais écouter. Tu veux bien essayer de rattraper le noyé.

tu croises une fille qui t'adresse la parole. qui te lance la question que tu t'es posé plus de quinze milliards de fois en plus de dix ans. tu t'arrêtes, à côté d'elle, pris au dépourvu.
- dieu c'est qu'un moyen d’apaiser les malchanceux, ou les malades. j'ai rien à foutre ici.
"si dieu existe, j'espère qu'il a une bonne excuse." w. allen avait raison. toi t'es quelqu'un de chanceux, si tu devais avoir un dieu, ce serait le hasard. sauf que tu ne crois ni en dieu, ni au hasard. ta chance, tu l'as parce que tu la mérites. parce que t'as été la cherché. parce que t'es quelqu'un d'ambitieux. et parce que t'as pas de temps à perdre à jouer avec les devinettes qui profilent devant toi.
- bref, salut.
tu te casses. t'es pas là pour faire causette dans ce frigo divin ou écouter les chouinements d'un dépressif.

Tu regardes le vitrail, la beauté du lieu. Ça plairait à maman, cette petite escapade dans tes souvenirs. Tu le fais juste pour elle, finalement.
Si elle savait, Ariel. Putain, tu te ferais crucifier, mon gars.
C'est un peu froid dans ton cœur, là maintenant. Les lieux de recueil te font cet effet-là. Allez, encore cinq minutes et tu sors de ce frigidaire et tu vas t'acheter un beignet à la boulangerie d'à côté.
Cinq minutes c'est long quand même.
Tu trépignes, enfouis les mains dans tes poches de ton jean pas lavé, puis les retires, ramènes tes cheveux en une queue de cheval en soupirant silencieusement. T'as pas ta place ici, Ariel. T'as l'air d'un foutu bohémien et finalement, peut-être que t'en es un.
Enfin, tu ne sembles pas être le seul ici. Ils arrivent tous en moins de trois minutes, et réchauffent derechef l'endroit. C'est une enclume qui cesse d'enclaver ton palpitant, là.
Cinq minutes. Derrière toi, une silouette deverse ses larmes comme tu le ferais si tu avais quelque chose à pleurer. Bruyamment. Sans retenue. Tu sautes sur l'occasion et t'approches de lui.
Cinq minutes. Ça devient peu, maintenant, pour calmer un enfant de ton âge. Mais tu ne files pas. Tu tiens ta promesse. Alors t'agenouillant à côté de lui, tu observes son enveloppe chocolat et parles à voix haute. Après toute tu ne sais pas murmurer, Ariel. Fallait s'y attendre. "Ben pourquoi tu pleures ?" Une petite moue, un petit sourire. C'est pas facile de s'occuper des autres, mais ça l'est plus que de s'occuper de soi.

Ça fait du mal et du bien, c'est comme l'amour. Ça te bouffe le cœur et ça te tape dans la tête. Ça te prend aux tripes, ça les retourne complètement. Ça te brûle les yeux, ça te bloque la gorge.
Les larmes.
Au travers du voile de tes larmes tu regardes Dieu qui ne peut - ne veut rien faire pour toi. L'enflure. Pourtant toi tu crois en lui. Et puis pour le bruit, tu t'excuses pas, ni à Dieu ni à l'affluence de monde. Ton bruit, t'en as l'habitude, c'est pas aujourd'hui que tu vas commencer à demander pardon.
Une main réchauffe ton épaule, là, tu découvres un ange - énième - au-dessus de toi, suivi de l'arrivée d'un immense brun, aussi brun que l'autre est blond.
- Ben pourquoi tu pleures ?
Deux jolis garçons rien que pour toi.
Pour faire s'en aller les larmes.
Pauvre gosse, tu redoubles de larmes, mais entre l'une d'elles, tu parviens à place quatre mots, seulement quatre, record pour toi :
- Ma vie a mal.

Silencieux, tu prends place à ses côtés. Le brun maniant mieux les mots que toi, tu laisses la main au plus fort. Tu t'écrases. Toi, au garçon abandonné, tu n'offres que ta présence. Sa vie a mal. Sa vie, toi, tu veux la prendre dans tes mains et la soigner. Mais tu n'es pas infirmier. Alors, tu essayes quand même de bredouiller "Alors, oublie ta vie". Ces mots n'ont aucun sens car les mots on les manies à notre guise.

Il te fait mal au cœur, ce petit bout de nerf abîmé. Durant ton voyage, t'avais presque oublié que ça existait sur cette bonne vieille planète bleue. Ici, tu as deux jouets défectueux pour le prix d'un. Si c'est pas la joie. " Ma vie a mal." Oublie la vie, dit l'autre, seul blond parmi toutes ces têtes brunes. Tu te mords la lèvre inférieure, et finis par t'asseoir complètement par terre, les fesses les premières. "Mais non, justement !" tu t'exclames d'une voix forte, sans t'en rendre compte. Il faut ce qu'il faut, comme on dit, après tout. "La vie, c'est ce qu'il y a de mieux, tu sais ?" Tu. Pas vous. TU. Parce que toi, t'as beau parlé aux deux zigotos qui se trouves devant toi, tu t'adresseras toujours à une seule personne. "Sinon, pourquoi tout le monde s'est mis sur sa ligne de départ, hein ? C'est la meilleure course qu'on puisse faire au monde, t'imagines même pas." Tu pars dans ton délire, une fois de plus. Mais d'un côté, ça te plait fichtrement, cette fâcheuse manie que tes mots ont. Ils partent toujours de travers, ne se marient pas avec les bons. Ils font ce qu'ils veulent. Un peu comme toi. Un peu plus, peut-être. "Alors bien sûr, des fois, t'as mal aux pieds. Mais ce qui a de bien dans cette course, c'est que même si tu t'arrêtes, tu peux repartir, et arriver sur le podium. Tu peux pleurer un moment, tu sais. Ca fait du bien, parfois. Et puis quand tu te sentiras prêt, tu pourras repartir. Si tu veux je t'emmène manger une glace !" C'est un bon programme ça. Qu'est ce que vous en dites ?

Et il y a un garçon qui pleure, qui a mal et un autre s’inquiète pour lui, elle regarde la scène doucement, où qu’elle aille elle assiste toujours à la détresse des autres, ce monde est vraiment maudit. « Mais ce n’est pas possible. » Oublier sa vie ? Ce serait bien plus simple … Mais rien n’est simple ici, c’est pour ça qu’on souffre, c’est pour ça qu’on pleure, c’est comme ça tout simplement. « dis toi qu’il y a pire ailleurs. » Peut-être que ça l’aidera pas, peut-être que ça le rendrait encore plus triste de savoir ça. Et puis il y a l'autre celui qui n'est pas d'accord, celui qui voit la vie sous un bon angle. « Ou bien fait comme il dit et va bouffer une glace. » Dit-elle en haussant les épaules.

Tu veux bien oublier la vie pendant deux secondes en mangeant une glace. Ça te paraît bien comme ensemble. Après tu verras. Après tu reprendras.
La course de la vie.
Allez sèche tes larmes petit crocodile.
- D'accord pour la glace. Il peut venir l'ange avec nous ?
T'as encore la voix pleine de larmes.
- Et puis la fée brune aussi ?
Peut-être que s'ils s'y mettent à trois, ils arriveront à la dégager, la tristesse qui t'emcombre les yeux.

Une glace? C'est comme quand tu étais enfant ça. Y a très longtemps. trop. Tu aimais ça mais tu sais pas trop pourquoi. Ni si tu aimeras ça encore. Mais tu acceptes, juste pour être avec l'enfant abandonné. lui, tu veux pas qu'il soit seul. Ou tu veux pas être sans lui. Donc, tu fermes les yeux, pourvus que le brun accepte ta présence.

Ouais, une glace. C'est la meilleure idée que t'as jamais eu, Ariel. C'est tellement une bonne idée que t'es prêt à inviter tout le monde ici, les sortir des griffes de ce dieu qui n'écoute pas, et les amener dans un endroit où le froid ne se trouve pas dans le cœur mais sur un truc qu'on peut manger. Quitte à te saigner pour leur payer leur part de bonheur. "Mais oui, venez tous. La fée, l'ange. Je veux bien être l'ogre." Un ogre qui ne mange pas les enfants, mais les glaces. Tu souris. Une, deux, trois secondes, avant de te relever péniblement et de bailler. Foutu gosse mal élevé. Alex aurait ri en te voyant. Rien que ça, ça te rend joyeux et te pousse à continuer. Alors tu tends ta main au garçon brun, et tu te dis qu'au pire, tu les voleras, les glaces, parce que t'as pas beaucoup d'argent, mais que tu veux tout de même tenir tes promesses, contrairement à dieu.

Une glace ? Une solution éphémère … ça lui arrache un sourire, apparemment le garçon triste veut qu’elle vienne, ils sont comme des enfants ces trois petits hommes. « Mais oui, venez tous. La fée, l'ange. Je veux bien être l'ogre. » Elle soupire, hésite, se demande si elle devrait venir ou pas, mais il n’y a pas de raison à refuser cette proposition, elle n’a rien à faire d’autre de toute façon. « J’viens donc passer le temps avec vous. »

Vus d'en haut, vus des étoiles, ils ne sont que quatre petits points, deux tâches brunes, une dorée, et puis toi, le chocolat au lait. En résumé vous êtes rien. Vous êtes rien pour les étoiles.
Mais pour toi, toi avec tes deux pieds bien sur terre, ils sont beaucoup, ils sont géants.
L'ange, l'ogre, la fée, et toi.
Ils sont comme tes marraines, tes super héros venus te pêcher dans une église - quel chemin ils ont fait -, venus en grande pompe pour te sauver de tes larmes.
Vous sortez.
Plein soleil.
Tu tiens encore la main du brun bouclé, parfois t'aimerais bien être un petit frère plutôt qu'un grand, avoir moins de responsabilités qui pèsent sur les épaules, avoir le droit de faire du bruit parce que t'es le petit dernier.
- C'est où les glaces ?, tu dis, la voix larmoyante encore un peu.

Une équipe de vainqueurs aux apparences de perdants. Bande de bras cassé que personne ne veut aimer. Le brun vous réconforte, c'est ton doudou. Ta peluche mâchouillée et usé de bave. Cette même peluche qui le soir te raconte des histoires pour plus que tu pleures. C'est lui, c'est sur que c'est lui.

Vous faites une jolie bande à vous quatre. Mais après tout, tu n'as que ça à faire, et puis tu aimes le contact avec les gens. Les gens cassés sont beaux à regarder. Le blond te fait penser à Alex, mais Alex n'aurait jamais voulu te rejoindre pour bouffer une glace. Il aurait préféré faire des trucs de mecs-pas-si-mecs-que-ça-au-final, et t'aurais dit oui, parce que tu disais toujours oui à tout, pour sa petite personne trop importante. La fille, elle, est pleine de sarcasme, et ça te fait tellement penser à avant que tu lui fais un grand sourire. "cool" Elle a la dégaine des filles qu'Alex ramenait. Le genre de nanas qui se font plus dures qu'elles ne le sont. Pas si méchantes que ça, au final.
Et puis le petit, que tu tiens par le bras, il ne ressemble qu'à lui. Ça, ça te fait un peu peur, parce que c'est nouveau. Enfin, il aime les glaces, alors tu n'es pas si perdu que ça.
Après tout vous êtes quatre bougres inconnus qui quittent une putain d'église pour aller au glacier le plus proche.
Tout à fait normal.
"à quelques pas d'ici" ledit glacier est tout proche. Tu sors de l'église métamorphosé et accompagné, même si ton objectif premier n'a pas changé.

(on continue le rp/ou pas ici/ou pas ? désolé pour l'absence )

- À quelques pas d'ici.
On dirait vraiment un grand frère.
Tu l'aimes bien, comme les deux autres.
Les quatre fantastiques. Plutôt bande de canards boiteux. La fée, l'ange, l'ogre, toi. Le sarcasme, la gentillesse, la direction, les larmes. Tu voudrais pouvoir ajouter Camille à la liste, à votre liste. Camille.
Le silence.
Camille, tes larmes, tes mers salées. Camille, tu le chasses de tes pensées pour te bouffer à pleines dents l'instant présent. Et puis une glace aussi. C'est l'ogre qui l'a dit.
- C'est quoi vos vrais prénoms ?
Parce que vous êtes pas (dans) un conte de fées non plus.
T'es pas un bébé.

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