une chambre. t'en as marre de ton putain d'hôtel, gus. t'as envie d'te poser. t'as envie d'arrêter de flipper si t'allumes un joint. t'as envie de déballer ton sac, installer ton matos de tatoueur. t'as envie d'avoir un vrai bureau où pouvoir caler ton mac et continuer ton taff. t'as envie d'avoir un semblant de chez toi, tout simplement. des annonces t'en as vues pas mal. parcourues des yeux, déchiffrées. mais t'as jamais pris la peine d'approfondir ta recherche. peut-être que ça t'flippait, l'idée de vivre avec quelqu'un d'autre. au fond, t'as toujours été un mec du grand confort, toi. on peut pas dire que ta mère t'a laissé sans tunes. même dans tes pires moments elle te lâchait pas, elle te laissait pas à sec. t'aurais pu t'installer dans un studio depuis longtemps, mais tu l'as pas fait. sans trop savoir pourquoi t'as pensé que banff était l'occasion de tenter quelque chose de nouveau. et puis y'a eu fauve, fauve qui t'a un peu fait ouvrir les yeux. fauve qui t'a convaincu qu'la vie ne s'arrête pas à ton cacheton du matin. alors t'arrives là, face à cette fameuse baraque. t'as ton coeur qui s'emballe un peu qui t'crie de t'casser. c'est pas pour toi, la coloc. quatre personnes. une famille. qu'est-ce que tu vas faire au sein d'une fratrie, gus ? tu te mords la lèvres et t'avances. tu sonnes à la porte. 16h30, pile à l'heure. t'es pas un type qui a du retard, toi. t'es déjà assez en retard sur ta vie, tu vas pas en plus être en retard à un rendez-vous.

c'est un peu la merde en ce moment, ça devient dur de joindre les deux bouts, alors j'espère que ce mec là sera le bon. gus. j'ai l'impression que ça me dis vaguement quelque chose, mais je dois peut-être me faire des films. “allez, carl range ta game boy.” vestige des années passées. je passe une main dans mes cheveux et manque de me casser la gueule sur un fauteuil. merde. je dois commencer à stresser, j'aime pas vraiment ça. je passe une main dans les cheveux de mon petit frère, il râle. “t'aurais quand même du fumer un joint avant qu'il arrive.” je m'arrête pour lui lancer un regard. ce gosse est terrible. la sonnette retentit. je soupire et me dirige vers la porte. c'est cool. j'ouvre, souris. c'est un jeune, c'est cool, j'avais un peu peur de tomber sur un vieux relou. “salut, gus c'est ça?” je fronce un peu mes sourcils, sa tête me dit quelque chose, je capte finalement. “t'es le mec en photo avec ta soeur !” j'me disais bien que ça me disait vaguement quelque chose, je l'ai vu hier soir sur mon pc. j'souris finalement, le monde est trop petit. je me pousse pour le laisser entrer, j'dois lui serrer la main? aucune idée.

“c'est bizarre.” j'finis par conclure, parce que ouais, c'est assez bizarre de croiser sa tête comme ça, dès le lendemain. mais c'est sympa. c'est un peu une vie surprenante à banff. finalement la main de gus se tend, j'conclus rapidement que c'est ça qu'il faut faire: une poignée de mains. j'aurais pu lui faire un check en fait, c'est le premier truc qui m'est venu en tête. dans tous les cas, je serre sa main, rapidement. “pas vraiment, mes parents avaient cette maison ici mais on n'a jamais habités là... et maintenant elle est en quelque sortes à mes frères et moi.” un sourire étire mes lèvres, c'est le moment que choisis carl pour débarquer, sa gameboy en main. “et lui c'est carl, le plus petit de la bande, mes deux autres frères sont en cours. on est plutôt... comment dire? c'est cool ici. pas de prise de tête, pas de couvre-feu ou je sais quoi et la cuisine et le salon sont tout à toi.” je marque une légère pause en fronçant un peu mes sourcils. “ça te dérange pas si je te tutoie? on doit avoir le même âge je pense.” c'est juste que ça me met un peu mal à l'aise.