Mourir de vieillesse, crever de chagrin. De beaux gros mensonges. Personne ne meurt de vieil âge, comme personne n'est trop vieux pour la vie. On meurt d'effets secondaires de l'âge avancé : Le risque de cancer plus grand, les maladies cardiaques. Le mal accumulé d'une vie qui fini par nous rattraper.

Expirer vieux, c'est agoniser durant des années. Savoir qu'à chaque visite, nos proches se demandent s'ils nous reverrons. C'est être traité comme un citoyen de seconde classe, un objet fragile, plutôt qu'un humain. C'est se demander à tous les matins si on ne devient pas sénile. C'est un deuil de la vie fait depuis longtemps, une attente interminable de la mort. Être vieux, c'est ce sentir immortel, mais aussi fragile que de la porcelaine. Du moins, c'est ce que je suppose, en me rappelant mon arrière grand-mère Bethan, qui à la fin, soupirait plus qu'elle expirait. « Le dommage, tu vois, c'est pas sur ton corps. Ta dernière lutte, elle peut être douloureuse, atroce même. On s'en fou au final. » Je me repositionne, je tente de lui faire comprendre un message que trop de vivants oublient. « Pour chaque bonjour, il y a un au revoir. » je réfléchis un moment. « Laisser quelqu'un sans un espoir de retour : s'étouffer sur une tarte, mourir presque sur le coup. Ça fait un choc, certes.  Maintenant, être dans un mariage qui ne marche plus, mais qu'on essaie de sauver, sans même savoir pourquoi. Avoir une maladie qui traîne de la patte. Vivre vingt ans sans trop savoir si on va vivre ou pas. Avoir espoir que tout va bien aller, mais dans le fond de sa pensée, savoir qu'on risque -  que l'on va - y passer. » Je reprend mon souffle, maintenant plus posée. « Le dommage, c'est pas physique. C'est mental. C'est ce que tu imagines. Mourir sur le coup, pas le temps d'imaginer quoi que ce soit. La maladie? Ça te donne des années pour te faire des scénario, et je veux dire, regardes moi, les résultats ne sont pas géniaux. » J'ai envie de rire, mais je ne le fais pas. Je continue, je suis sérieuse. « Le dommage, c'est ceux a qui tu as dit bonjour, qui dans la maladie, vivent toutes tes batailles en plus des leurs. Ils vivent un mélange de deuil et d'espoir. Ils finissent brisés. Des dommages collatéraux » Je m'arrête. « Je préfère être sans espoir et étonnée de ma survie, tu vois? »

Je l'écoute du mieux que je peux. Ces grands monologues me perdent. Je me sens stupide et insignifiante de ne pas pouvoir suivre tout ce qu'elle essaie de me faire comprendre. Pourtant mes grands yeux bleus sont absorbés par ces paroles, par la philosophie qui déboule sans attendre. Je n'arrive même plus à dire quelque chose comme si elle avait utilisé tout les mots de la terre , comme si elle avait épuisé toute mes paroles.Je retourne mes yeux sur le grand étendu d'eau et je me perds les neurones en feux en pleine réflexion . Je ne me suis jamais posé ce genre de question , je ne m'attarde pas sur ce genre de choses et c'est sans doute le problème de bien des humains. Ils ont des pensées préconçues sans vraiment chercher le sens à tout ça. «Oui je vois. Tu préfère avoir des blessures sur ton corps que celles qui sont mentales.» Je reste tout de même dans une mer très vague. Je ne me soucie pas de ce qui se passe dans ma tête. En fait si quelque chose me fait du mal , me pousse vers le sol et j'avance c'est tout. Je ne connais même plus le sens des perles salées qui épousent nos joues , qui sommeillent au fond de nos prunelles

Il y a, pour moi, une différence marquée entre la douleur physique et la douleur mentale, Zelda a vu juste. La douleur physique est passagère. J'ai beau tenter de me souvenir des maux de tête, du sentiment dégueulasse qui m'envahissait lorsque j'étais au plus mal, je n'y arrive pas, comme je n'arrive pas a me souvenir de ma migraine de la vieille. Je sais que j'ai souffert. Je sais que j'ai cru ne pas pouvoir le supporter. Je sais que revivre une douleur semblable, tout me reviendrait en mémoire, mais pour le moment, je vais bien. Mon cerveau est anesthésié, il prétend avoir oublié.

La souffrance mentale, c'est différent. Je me souviens de mon malaise, même dans la nuit. Je me souviens de la peine des autres, aussi. Le mal nous suit, s'accroche a nous et refuse de nous laisser, jusqu'à ce qu'on le repousse à coup de pilules de toutes les couleurs -  mais même là, il n'est jamais bien loin. On est seulement dans le creux d'une vague, qui bientôt viendra nous noyer, une fois de plus. « Clairement. » Je dis, confiante :  Les saignées des indiens et de jeunes filles en quête d'un échappatoire ont prouvé mille fois ma théorie. J'expire, et me relève, enfin. Il fait froid et je dois rentrer, avant de me retrouver sans lit à l'auberge. « Je crois que je vais faire un bout. Désolée de t'avoir dérangée. » d'un coup droite puis de deux coups de gauche, je balaye les morceaux de plages qui se sont épris de mon jean. « ah et, je suis plus marrante quand il fait chaud, désolée pour ça aussi » Je lui adresse un autre sourire, et je fuis.

Après m'avoir mélanger , mit un désordre total dans mon esprit elle me dit qu'elle doit partir. Oui bien entendu l'air est lourde après cette discussion alors je la laisse déguerpir sans un mot. Elle était marrante et gentille je lui ai même adressé un sourire avant qu'elle ne fuit.