Besoin de connaître du monde, j'en pouvais plus de ma solitude. Et pourtant, je suis du genre très solitaire, c'est surprenant n'est-ce pas ? enfin bref, j'avais envie de faire un peu la fête et rencontrer des nouvelles personnes et même pourquoi pas trouver un flirt même si je n'avais pas envie de plus. Il fallait dire que ma dernière relation amoureuse avait été très foireuse et depuis, j'avais vraiment du mal à envisager plus que de la drague. A chaque fois, mes mauvais souvenirs remontaient à la surface. J'avais entendu parler de cette boite de nuit et je m'étais dit pourquoi pas. Après tout, j'étais une grande fille et je ne devais pas avoir peur d'aller m'amuser toutes seules. Collé près du bar, j'avais réussi à me frayer un chemin pour aller me prendre un simple coca. Je ne buvais pas d'alcool, pour des histoires de famille, cependant, cela ne m'empêchait pas de faire ma fofolle. Vêtue d'un jean, de talons hauts noirs et d'un joli haut noir et brillant, j'étais simple mais efficace. Mon coca à la main, j'entreprenais à présent le dure retour vers un coin tranquille pour boire.

Je ferme les yeux, décidant à l'aveuglette où entrer. La musique qui s'échappe des portes fait un vacarme qui pue l'alcool. Je sens que c'est l'endroit. Je vais mettre la main sur le type le plus saoul du groupe et crasher sur son divan, il sera dans un état bien trop avancé pour tenter quoi que ce soit. C'est l'astuce pour voyager sans dépenser pour se loger. Je serai partie le lendemain avant qu'il n'ouvre les yeux, son mal de tête accompagné d'une vague image de moi, si floue qu'il ne me reconnaîtrait pas dans la rue. Ça arrange tout le monde. Il dira à ses potes qu'il a ramené une fille, inventant une histoire pour combler les blancs de son mental écorché par la beuverie. J'attends qu'on m'offre à boire, fauchée depuis toujours. C'est l'avantage d'avoir de longues jambes et un regard coquin, on n'a jamais à dépenser un sous là où l'alcool coule à flot. L'espoir d'une nuit fera s'ouvrir les porte-feuilles des faux gentlemans en manque de chair humaine. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que c'est une arnaque. Je m'installe au bar, mon sac rempli à en crever, glissé sous le bar, incognito. Une fille comme les autres s'avance pour commander un verre. Je l'imagine prendre un drink coloré qui masque le goût de l'alcool et fait faire des folies, pourtant, elle commande un soda. Déconcertée de son choix innocent, je garde les yeux sur elle, incertaine de ce que je devrais en penser. J'aime quand les gens me surprennent, quand inattendu me saute au visage. Je vais lui parler, peut-être pas. Je devrais, mais je pense pas. Elle est seule, mais elle est pas intéressée, ça se voit, je le dis, je le crois. Je croise les doigts sous la manche de mon jacket, me disant que je n'ai rien à perdre, que c'est pas le moment d'être effrayée du monde entier. Je m'installe face à elle, avant que la place soit prise par un homme neandertal, et j'ouvre la bouche, comme ça, pour rien. « Boire un soda dans un bar, c'est singulier. » Et je souris comme une gamine, ayant trouvé un trésor. C'est pas une critique, juste une constatation. Je ne demande pas pourquoi, parce que c'est pas à moi de choisir si elle a envie de parler, ou si elle veut s'enfuir, se perdre dans les décibels.

Observant les danses endiablées sous les chansons populaires, je n'étais pas mécontente d'avoir trouvé cette petite place assise. Je me demandais soudainement si c'était une bonne idée d'être venue seule. Je veux dire… je sais bien que j'ai dis que je voulais changer et améliorer certains côtés négatifs de ma vie et de mon caractère mais je ne pouvais pas foncièrement me changer. Je n'étais pas une dragueuse dans l'âme, et j'étais du genre solitaire, je n'allais pas aisément vers les autres. Cependant, j'étais ici et à défaut de faire des rencontres, je comptais observer le comportement des autres et peut-être apprendre d'eux.

Sirotant, je fus sortie de mon observation par une jeune femme, blonde d'après ce que les lumières de la boite me laissaient entrevoir qui s'installa naturellement en face de moi. Je ne pu empêcher un haussement de sourcil par ma surprise. On pouvait appeler cela du culot et c'était clairement pas quelque chose pour me déranger, c'était juste que je n'étais pas capable de ce genre de chose. Je ne pouvais vraiment l'expliquer mais je préférais que cela soit une femme plutôt qu'un homme. Mon passé me rattrapant, j'avais toujours la sensation que les mecs rencontrés dans ce genre d'endroit ne sont qu'en chasse. Je n'aimais pas cette sensation d'être déshabiller par les hommes. Honnêtement, qu'est-ce que je fous là ? j'avoue que je me pose vraiment la question puisque je ne changerais de toute évidence pas d'avis sur les boites. « Oui, j'ai tendance à faire tâche, je sais. » dis-je avec un sourire aimable en me penchant vers elle pour qu'elle puisse m'entendre au dessus de la musique assourdissante. « Mais je pense que l'on peut parfaitement s'amuser sans boire d'alcool, il suffit de se laisser aller. Tu ne crois pas ? »

Peut-être qu'elle voulait de la solitude, que je gâche sa disponibilité à se faire aborder par un type. Peut-être qu'elle cherche une aventure de draps froissés, mais son soda me souffle que peut-être pas. Elle a un de ces visages qui semble si jeune qu'on pourrait croire qu'elle n'a rien vécu, mais quand on s'y attarde, on voit au fond de ses yeux que comme nous tous, la vie ne l'a pas épargnée. Ses sourcils se froncent dans un pli qui trahit une timidité presqu'envolée. Je ferme les yeux quelques secondes, lui donnant la possibilité de filer, si c'est ce qu'elle désire. Ses lèvres m'avouent le sentiment de faire tache. Pourtant, je me dis que c'est le monde entier qui n'est pas à sa place quand je le vois s'écorcher pour un cheap thrill. Les lumières sont d'une violence cruelle, étourdissantes. Je vois les corps bouger comme une série de photographies alignées dans le désordre. J'écoute ses mots, me disait qu'une seule personne saine dans cet endroit c'est mieux que rien. « Oh, je suis bien d'accord. Je suis pas contre un verre, mais je préfère me rappeler de mes fins de soirées. » J'efface d'un revers de main mes conneries de jeunesse, me disant qu'à seize ans, j'étais inconsciente, mais que les années ont laissé leur marque, infusant quelques goutes de sagesse dans ma folie. À moins d'avoir besoin de noyer une angoisse destructrice, je me contente d'une sobriété alarmante. « Tu viens souvent seule ? » Parce que parfois les gens sont lourds, je devrais le savoir, mais je l'ignore. « Tu voulais rester seule ? » Je veux pas m'imposer, tu sais.

Même si je n'étais personnellement pas contre un verre ou deux, j'avais pris tout de même pour habitude de détester l'alcool. Le souvenir de ma tante détruisant sa vie à cause de sa dépendance à l'alcool est encore bien présente et même si je n'ai jamais été proche d'elle, cela m'a réellement traumatisé. En toute réalité, je ne prenais même pas plaisir à boire de l'alcool même si j'avais quelques bouteilles pleines chez moi. Le seul alcool qui ne me dérangeait pas était le champagne, mais faut avouer que ce truc c'est cher. J'étais plutôt satisfait de voir que la jeune femme face à moi n'était pas du genre à penser que pour une bonne soirée, il fallait se saouler. Je déteste les personnes qui pensent qu'une soirée n'est pas une bonne soirée si tu t'en souviens, je trouve cela tellement triste. « Non, je viens rarement accompagnée ou seule mais je me suis dit que changer de mes habitudes n'étaient pas une mauvaise idée. Mais bon, seul, on se fait chier quand même. » dis-je avec un rire avant de reprendre une gorgée ma boisson. « Tu peux rester si tu veux, cela ne me dérange pas. Entre nous, je préfère toi à un de ces types gras à t'en faire vomir. » dis-je en désignant un groupe d'homme de toute évidence à la recherche de la fille la plus bourrée. « Je suis Stacy et toi ? »

La densité du mouvement populaire grandis au fil des secondes. Les verres s'embrassent dans une cacophonie. On bois à la vie, aux absents et aux présents. On bois à ceux qui nous manquent et à ceux qu'on a failli. On bois un peu à sois-même et au vide à l'intérieur de nos entrailles. On bois pour oublier, au nom d'une soirée mémorable. On bois parce qu'on ne sait pas comment dealer avec la vie et ses offenses à notre âme. Elle me fait sourire à m'accepter comme ça, sans rien d'autre que d'être moi. On ne dira pas que les types qu'elle fuit sont ceux que je suis ici pour mettre dans ma poche. On ne dira pas que je n'ai nulle part où dormir parce que ça provoque la pitié. On ne dira rien, on ne fera qu'écouter. Stacy de son prénom, Stacy la singulière. Ça n'est pas un grand secret, mais c'est probablement tout ce que j'ai à lui offrir, un nom pour une rencontre. « Je m'appelle Sway, fille de passage à Banff, fille de passage partout. » Ça me fait sourire parce que j'aime ma vie, j'aime l'inconnu, l'imprévisible. Je me dis que peut-être Stacy est à Banff depuis toute sa vie, on ne connait les gens qu'en osant les approcher. « Et toi, t'es en ville depuis longtemps ? » La musique s'est estompée, j'ai bloqué les thumpa thumpa qui envahissent l'endroit de mes tympans.

Sway ? c'était un prénom original qui semblait lui aller bien. Elle me semblait être une femme en dehors des clous, décalée qui n'avait pas peur de l'inconnue. J'admirais les personnes comme cela pour la simple et bonne raison que je n'étais pas capable de faire cela. Je suis une grosse trouillarde. Enfin si, je l'ai fais aujourd'hui, mais je compte bien restée dans cette ville. Je ne suis pas une adepte du changement. « Enchantée Sway. » Je n'étais pas quelqu'un qui voyageait beaucoup. Elle me demanda alors si j'étais en ville depuis longtemps. Je ne su pas quoi lui répondre. Ma paranoïa légendaire me disait que les nouveaux dans une ville étaient des proies faciles. Je préférais donc rester discrète sur le sujet au nom du principe de précaution. « Cela va faire quelques temps. Je me devais de changer de vie et j'ai trouvé que Banff était un bon lieu. Ville dynamique et jeune, c'est bon pour l'avenir. » dis-je avec un sourire. Oui, une ville bien loin de ce que j'ai connu. « Qu'est-ce qui t'as amené dans cette ville ? les récoltes ? » J'avais entendu parlé de travail saisonnier qui permettait aux jeunes de se faire de l'argent en récoltant dans les champs du coin. La ville était très connue pour cela en plus de son tourisme. Elle faisait peut-être partie de ces jeunes là.