Voilà, que je viens de m'échouer à Banff et que je me sens déjà loin de tout. Le mal du pays diront certains. Par réflexe, je me suis directement rendu à la plage, me rappelant ma contrée d'origine. J'enlève mes chaussures récemment achetées afin de ne pas les abîmer et marche pieds nus dans le sable sur des kilomètres sans rencontrer personne. Le vent s'engouffre dans mon pull et fait virevolter les grains de sable. Je frissonne. J'ai froid mais décide de continuer à marcher. Je marche, sans but d'un air résolument convaincu. Pourtant, après quelques de longues minutes passées à longer la mer, je me décide à m'assoir, contemplant cette immense étendue d'eau. Je suis seul, terriblement seul. Je mets ma main droite dans la poche de mon jean et en sors un briquet, puis je tâtonne dans mon blouson de cuir pour y chercher mon paquet de clopes. Des marlboro, mes préférées. Je le remets soigneusement à sa place puis allume ma cigarette. Je prends une première bouffée. Voilà qui est bien mieux.

Blessée et fatiguée, elle erre sur la plage. Ses yeux sont cernés, elle aurait presque envie de se jeter à l'eau pour se noyer mais elle ne le fera pas, pas après tout ce qu'elle a vécu. Ce serait juste inimaginable et elle ne savait pas ce qu'il avait après la vie, c'en était presque effrayant. Est-ce que si elle mourrait Dieu la jugerait pour voir si elle devait aller en Enfer ou au Paradis ? Ou bien est-ce qu'elle se contenterait de pourrir sous terre ? Elle n'en savait rien, absolument rien mais elle savait bien une chose, s'il y avait bien un Enfer après la mort, c'est là qu'elle passerait le reste de son existence. « T'en a pas marre de t'exploser les poumons avec cette merde ? » Elle avait dit ça sur un ton presque agressif parce qu'elle était à bout et qu'elle avait besoin de s'énerver contre quelqu'un. « Tu sais qu'au moment où tu t'enjailles avec ta petite cigarette, y a un petit gosse, quelque part, pas plus costaud qu'un putain de clou qui meurt de faim et qui aurait bien besoin de la tune que t'as utilisé pour te dégeulasser l'corps. » Dit-elle en colère avant de lui prendre sa cigarette des mains pour la jeter loin vers l’eau.

Une silhouette se mouvait sur la plage. Sûrement un femme. Je distinguais sa taille fine et ses cheveux volant dans le vent glacial. Elle s'approcha et bientôt je pus en distinguer les traits. Une belle brune. Une fois à ma hauteur, elle me lança d'un ton assez autoritaire : « T'en a pas marre de t'exploser les poumons avec cette merde ? » Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Que je sache ses organes m'appartiennent, jusqu'à preuve du contraire. Moi qui voulais me détendre un peu pour mon premier jour à Banff, c'était raté ! Pour qui elle se prenait celle-là ?! Ses leçons, elle pouvait bien se les garder, dans grandes gueules comme elle, j'en avais vu bien d'autres ! Puis, elle avait qu'elle âge cette demoiselle pour faire la morale à un homme comme moi ? Je remarquai aussi que son joli visage de poupée était marqué par la fatigue, altérant légèrement sa beauté. Ses yeux verts semblaient me fusiller et elle reprit de plus belle : « Tu sais qu'au moment où tu t'enjailles avec ta petite cigarette, y a un petit gosse, quelque part, pas plus costaud qu'un putain de clou qui meurt de faim et qui aurait bien besoin de la tune que t'as utilisé pour te dégeulasser l'corps. » Et blablabla et blablabla. Je voulais juste me changer un peu les idées en me fumant cette cigarette. Un point c'est tout. Est-ce que j'étais venu l'emmerder avec la fonte des glaciers et les ours polaires qui n'ont plus de banquise moi ? Non. Je n'avais pas l'habitude d'être agressif, cela n'étant pas ma nature mais quand on me cherchait, on me trouvait. Puis, elle m'avait arraché ma clope des mains pour la jeter dans l'eau. Sacrilège. « Écoute, on ne se connais pas mais sache qu'avec ou sans ton approbation, je finirai ce paquet de clopes. Que ça te plaise ou non ! » Petite emmerdeuse va. J'avais voyagé sûrement plus qu'elle et je connaissais bien le sors de ces pauvres gosses. On ne peut pas sauver tout le monde. La Terre continue de tourner. C'est la vie.

Elle n'a pas à lui parler comme ça, elle n'a pas à lui faire la leçon, elle n'a pas à jeter sa cigarette mais elle le fait quand même. Elle agit de manière impulsive car elle a besoin de se calmer, de laisser sa colère et sa rage se montrer. C'est pour ça que depuis qu'elle est dans cette ville, elle ne se sent pas bien, elle ne contrôle plus sa situation et elle prend chaque personne qu'elle croise pour un punching-ball. « Écoute, on ne se connaît pas mais sache qu'avec ou sans ton approbation, je finirai ce paquet de clopes. Que ça te plaise ou non ! » Un énorme rire nerveux sort de sa bouche, elle est tellement épuisée, elle tombe à genoux puis sur les fesses avant de se retrouver assise. « Fils de pute ... » Les injures, elle n'a que ça en bouche, surtout les plus violentes, c'était une très mauvaise habitude qu'elle avait prise depuis qu'elle gérait son business. « Enfin, c'est vrai que j'ai rien à te reprocher ... Tu fumes l'argent qui aurait pu être utile pour quelqu'un d'autre et moi je suis là t'emmerder alors que je te connais pas ... » Reprend toi Rahma !

Je n'avais pas l'habitude que l'on me parle sur ce ton et même si je n'avais jamais été un violent, incapable de toucher au moindre cheveux d'une femme, je me disais qu'il y avait des baffes qui se perdaient sur cette Terre. « Fils de pute ... » Estomaqué par tant de virulence, je répondais spontanément : « Pardon ? » « Enfin, c'est vrai que j'ai rien à te reprocher ... Tu fumes l'argent qui aurait pu être utile pour quelqu'un d'autre et moi je suis là t'emmerder alors que je te connais pas ... » Si elle savait, j'avais sûrement plus vu d’atrocité dans ma vie de par mon métier qu'elle en un an d'existence. Mais je ne lui ferai pas la morale, ce n'était pas mon rôle, je n'étais pas son père et elle n'était pas ma mère. Je sortais une nouvelle clope de son écrin et l'allumer avec la petite flamme de mon briquet avant de répondre d'un air détaché : « D'accord maman. » J'étais sarcastique, piquant, mais elle n'avait pas à se comporter de la sorte. Bordel, qu'elle me lâche les baskets et retourne à sa pauvre vie.

Elle a envie d’être méchante, elle a envie de faire et de dire n’importe quoi, ça lui fait du bien, ça la libère presque de ses maux. Rahma c’est juste un être violent qui vit de violences physiques et morales, qui encaisse tout mais qui rend tout au centuple, tout qui la maintient en vie c’est la haine. C’est une terrible existence qu’elle mène. « Oh tu ne fais rien ? » Elle sourit presque, elle s’approche de lui, elle le nargue tandis qu’il rallume une autre cigarette. « Je suis sûre que si j’avais eu des couilles, tu m’aurais foutu une de ces droites … » Tu cherches quoi ? Tu veux encore te battre Rahma ? Dans ton état, tu ne te feras que d’autres blessures. Elle s’approche encore doucement et beaucoup trop près, elle est à deux doigts d’encore lui arracher sa cigarette.