mains dans les poches. mains dans les poches. le regard à terre, et ne faites plus un geste. j'avance avec l'air le plus innocent possible, jusqu'au rayon le plus reculé de la boutique. les pas sont feutrés sur l'épaisse moquette; tout ce silence m'angoisse. là, en attrapant un bouquin du bout des doigts, j'espère secrètement que cette ambiance cosy ne va pas me trahir. dernier regard de chaque côté, juste pour vérifier, et la page se déchire dans un long gémissement plaintif entre mon pouce et mon index.

Elle vacille déjà le poids plume. Elle a pas dormis en même temps, c'est ça d'être barmaid. Elle sait même pas pourquoi elle a prit ce boulot, certainement pour piquer des bouteilles en douce. Ouais ça doit être pour ça qu'elle cache dans ce sac en papier brun un bouteille de vodka hors de prix. Elle va se faire virer elle le sait bien. La blonde ou brune on ne sait pas trop, elle avance dans la rue d'un pas incertain, laissant racler les talons de ses boots de militaire qu'elle porte comme on porte un grigri porte bonheur. Son tee-shirt est trop moulant, son short lui est trop court. Rien que de voir son reflet dans les vitrines des boutiques qui s’aligne sur son passage, ça la dégoûte. Elle a l'impression de le vendre, son corps. Pourtant elle suit juste les directive du boss. C'est parce qu'elle est sexy qu'il l'a engagé, elle le sait et il s'en cache pas d'ailleurs. Heureusement qu'elle son gros gilet pour lui tenir chaud. Mais c'est pas suffisant, y a ce petit vent qui lui pique les cuisses. Ses jolies cuisses nues. Alors sans réfléchir elle entre dans le premier endroit qui lui paraît accueillant, tenant bien dans sa main sa bouteille déguisée en sac en papier. Elle se perd dans les rayons et assiste à un délit. Son regard clair s'impacte sur le jeune homme. Froide elle le regarde sans rien dire. Elle veut juste lui signifier qu'elle l'a vu elle, mais peut importe ce qu'il fait, elle s'en fiche. Elle préfère goûter de sa bouteille sans en dévoilé le contenue. Ses lèvres charnues s'abandonnent au liquide clair qui réchauffe sa gorge.

une barbie en short se ramène dans le fond du magasin. funeste tâche sur le décors immaculé, accompagnée d'une douce odeur de fatigue et d'alcool mal dissimulé. je la regarde d'un air méfiant, captant à des kilomètres la bouteille caché dans son papier kraft un peu humide. j'pourrais presque renvoyer ma cuite de la veille sur ses jolies jambes découvertes; l'odeur âcre me retourne le bide. eh gamine, t'as pas remarqué qu'il faisait moins douze dehors? elle est folle elle. ça m'arrache un sourire. je froisse la page vandalisée en une boule compacte, que je fais sauter dans ma main comme un joueur de baseball sur le point de réaliser son plus magnifique run. je jette le bouquin sur une étagère prête à l'accueillir, et m'avance vers la gosse (enfin, quelque soit son âge, elle a le faciès d'une adolescente). je m'empare sans rien lui demander de sa bouteille emballée. un truc vieux comme le monde, de la cacher dans du papelard merdique. "ça ce sera mieux, ouais." je lâche en découvrant la bouteille pour la lui rendre, ne gardant que le kraft. "haaa." soupir de satisfaction, et mon derche vient trouver le sol, assis bien confortablement contre l'étagère murale. "t'as un crayon ?" ouais, même pas foutu d'avoir un stylo.

Elle aime pas le regard qu'il pose sur elle. Qu'on la regarde en général, c'est pas un truc qu'elle apprécie. Mais elle laisse faire, elle joue avec. Elle peut aussi le regarder comme il le fait, de toute manière elle le faisait déjà. Dès lors que ses yeux clairs se sont posé sur la foutue page qu'il a déchiré. Elle parle pas Darcy, parce qu'il y a rien à dire finalement. C'est suffisant de lui lancer le regard qui dit « Je t'ai vu. » Mais lui semblerait que ça lui suffise pas parce qu'il s'avance avec sa balle de papier, la vandale. Il lui pique sa bouteille et c'est presque un miracle qu'elle ne se débatte pas, qu'elle lui lance pas des coups de pieds l où il faut et qu'elle se casse pas de là avec l'air de la coupable. On va dire que c'est la fatigue de la nuit blanche et l'effet de l'alcool qui vous enrobe, vous ramollis et vous endors. Et puis elle veut bien partager, tant qu'il se la ferme. Tant qu'il commence pas à se la jouer shakespearien avec de longues phrases en apnées. Ah tout ce qu'il veut c'est le papier qui recouvre la bouteille. La voilà nue la russe. Découverte aux yeux de tous. Peut importe, elle s'en fiche Darcy. Il aurait pu juste demander, avant de se servir. Mais en même temps y a de forte chance pour qu'elle l'ai envoyé baladé si jamais il avait formuler une demande. Elle récupère sa bouteille, c'est tout qui l'intéresse. Le verre froid mords sa peau sensible, ses mains usées et fatiguées. Est-ce qu'elle a un crayon ? « J'ai l'air d'une papeterie ? » Qu'elle demande alors d'une voix sans ton, sans saveur. Non elle a pas de crayon, elle a une bouteille c'est déjà beaucoup. « Elle, elle doit en avoir. » Qu'elle ajoute en balançant sa petite tête vers la nana qui tient la librairie. Non loin de là, une colombe innocente aux traits durcis par l'âge et le travail. Elle se laisse tomber à coté de lui, le cul de sa bouteille entrant en contacte avec le sol dans un tintement salvateur.

j'en ai rien à secouer qu'elle ait l'air d'une papeterie ou non moi, elle peut bien avoir un crayon quand même. un sifflement agacé passe la barrière de mes lèvres, et je lève de nouveau les yeux vers l'impudente. "tu penses bien qu'elle prêterait même pas un trombone si j'me pointais pour lui d'mander un crayon." tu parles d'une évidence. vu ma tronche de lendemain cuite mal cuvée, mes fringues tout juste présentables, elle me foutrait dehors avec un bon coup de pied au cul, et basta, chiao le clodo. elle prend place contre l'étagère en projetant sur le sol une miriade de gouttes de sa vodka hors de prix. "hé, gaspilles pas, j'serai sûrement plus content que la moquette si tu m'filais un fond d'ta bouteille."

Il la regarde comme si elle venait de dire une énormité. Un fin sourire s'étire sur les lèvres de Darcy. Elle a jamais dit qu'il fallait demander à la nana là bas. Elle l'a bien regardé le garçon, il est pas vraiment le genre à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Alors oui ce n'est qu'un crayon, mais quelqu'un d'à peu près normalement constitué se méfierait de lui. Bien sûr Darcy elle c'est pas pareil, elle se méfie pas justement parce qu'il à cette dégaine. « Qui t'as dis de demander ? » Elle prononce alors évasive. Il a bine déchiré une page dans ce bouquin, il pourrait sans problème se faufiler pendant qu'elle a le dos tourner et lui piquer un crayon. Elle se pose lourdement et quelques gouttes s’échappent de sa bouteilles, longe le verre blanc pour se retrouver sur la moquette. Il crie au gâchis, simple prétexte pour en demander une petite gorgée. Sans rien dire elle lui fout la bouteille entre les jambes. Qu’il boit si le cœur lui en dit. Après tout il est pas du genre à demander, mais plutôt à se servir alors autant qu'elle prenne les devants. Ça lui évitera de se mettre en colère de le cogner avec la bouteille justement.

un large sourire vient fendre mon visage. j'aime sa manière de penser, la taquinerie involontaire qui filtre dans ses paroles. elle sourit, pourtant on sent bien qu'il faudrait un rien pour qu'elle me crache à la figure. cette faille m'attire. "pourquoi pas. tout à l'heure, quand j'me relèverai, dans c'cas." puisqu'on en est là, je pense lorsque son visage arrive finalement à la hauteur du mien. on a qu'à profiter du temps qui nous est donné de rester au chaud. à l'abri de la morsure du froid. d'autant plus si dieu a décidé de vous honorer et d'envoyer droit vers vous cet ange brun et sa bouteille. bouteille qui atterrit sans cérémonie entre mes jambe, invitation silencieuse à en tirer une ou deux gorgées. j'sais bien que je n'me serai pas formalisé longtemps et en aurai volé de toute façon si elle avait refusé. pas de merci, je descends d'un étage le niveau de la vodka en deux gorgées. "tu m'as vu par la vitrine et t'as décidé de venir me faire la morale pour ce bouquin de malheur ? c'est pour ça que t'es venu ? " (imbécile) dans c'cas elle a du se raviser. j'lui retourne sa bouteille, sans cesser de la regarder.

Elle hausse les épaules, en pensait qu’il en avait besoin tout de suite de ce crayon, mais faut croire que ce n'était qu'une envie comme ça. Le genre éphémère qui vous vile entre les doigts. Qu'il fasse ce qu'il veut le garçon, elle s'en fiche parfaitement Darcy de ce qu'il compte faire avec son crayon, s'il compte vraiment le voler comme elle lui l'a suggérer. Tout ce qui l'intéresse tout de suite c'est de protéger de la morsure du froid, de rester bien au chaud tout en continuant d’alimenter son gosier en alcool quotidien, ce liquide claire qui lui retire ses idées claires. La question la surprend, elle a l'air du genre à se soucier assez de ce que font les autres pour vouloir leur faire la morale ?  « J'avais froid, je m'en fiche de ce que tu fais. » Elle commente nonchalante. La bouteille de nouveau entre ses mains elle se laisser aller à deux trois gorgées d'affilées, élixir de mort. Elle lâche un soupire et d'un revers de main essuie ses lèvres charnues et violacées par le froid, la fatigue et les verres accumulés. « T'u cherchais quoi d'ailleurs ? Le frisson de l'interdit ? » Elle questionne juste comme ça, juste parce que l'alcool lui délie la langue.

j'fourre le papier kraft dans ma poche, tout chiffonné. j'pense une seconde à la tronche de ma mère quand elle recevra ma lettre. un vrai torchon que j'aurai encore pris un malin plaisir à envoyer. pour l'heure, ça peut attendre. l'papier n'va pas s'envoler, et j'avoue sans honte ma préférence: rester assis au fond de la librairie en bonne compagnie jusqu'à ce qu'on se fasse jeter dehors, plutôt que d'aller risquer ma vie auprès de la vieille derrière le comptoir. la situation m'amuse, presque autant que ce bout d'femme qui sirote sa vodka en m’assénant qu'elle se fiche parfaitement de ce que j'peux bien faire. un bref rire vient ponctuer sa réponse. j'l'observe siroter sans grimacer trois rasades d'affilée, en me demandant si elle fait ça par pur plaisir ou par nécessité. " nan. j'cherchais juste du papier, j'imagine que comme toi j'ai eu la flemme d'aller voir plus loin. " vrai que du papier, y'en a plein la boutique. et que tant que je reste discret, il reste gratos. " t'as pas un toit pour te réchauffer au lieu de v'nir squatter la librairie ?" j'm'embarrasse toujours pas de discrétion, faut croire. j'me montre limite insolent, à la traiter comme une clocharde malodorante. ce qui est bizarrement pas le cas. elle m'a juste l'air d'une gosse un peu paumée, un peu ivre, et frigorifiée. " tu sais qu'il est neuf heure du matin ?" je souffle en faisant un signe en direction de la bouteille.