il l'a appelé, tout à l'heure. "ouais, t'es partie sans raison astrid. tu pourrais rentrer. ta mère s'inquiète." connard. elle a balancé rageusement son téléphone dans son sac et s'est installée dans sa voiture. sous un putain de réverbère qui fait trop de lumière et qui dévoile ses larmes. elle est partie. sans raison. sur un coup de tête. pour fuir une réalité qui l'effraie. pour oublier deux ans de vie. presque trois. une fois les papiers signés, elle a foutu le camp avec sa voiture excessivement chère. ses affaires excessivement chères. son air de gamine excessivement conne aussi.
d'ailleurs, là, elle a besoin de fumer une clope la môme. elle met sa vie en stand-by et sort une cigarette. l'allume. sort de la voiture. la ferme et part. paquet dans la poche. briquet dans la main. clé dans le soutif pour pas les perdre. ça serait con, quand même. et dans le noir le plus complet, les joues humides, elle se fracasse contre un obstacle. humain. "mais putain, vous pouvez pas faire attention bon dieu ? c'est pas compliqué quand même !" c'est pas son genre, à astrée, de crier comme ça. ni de pleurer, de toute façon. et encore moins de fuir. faut croire que commence une nouvelle vie.

astrée soupire. puis se passe une main sur le visage en regardant piteusement la cigarette au sol, qu'elle venait juste d'allumer. jolie soirée. elle redresse ses deux billes vertes l'inconnu. astrée n'aime pas les étrangers. ça l'effraie. et ici, c'est la panique totale. elle ne connaît personne, n'a aucun contact et seulement sa carte bancaire comme amie. elle s'en veut un peu d'être partie. mais au final, à part ses parents, elle ne manquera à personne. "désolée ... je me suis emportée.", finit-elle par avouer à demi-voix. "mais je pensais pas qu'il y aurait quelqu'un à cette heure-ci dehors." murmure-t-elle en attrapant une cigarette, un briquet. astrée jette un regard à l'inconnu et lui tend le paquet, pour se faire pardonner.

il s'apprête à partir, mais astrée ne veut pas être toute seule. il fait trop noir. il fait trop froid. alors elle prend une cigarette et elle lui tend le paquet. il en prend une. elle sort discrètement le briquet de sous son tee-shirt. puis elle lui allume, et elle allume la sienne doucement. "ouais ouais, ça va. juste à bout de nerf." dit-elle doucement en jetant un regard à l'inconnu. la question l'étonne. elle vient de lui foncer dessus, de lui mettre sa propre culpabilité sur le dos et voilà qu'il lui demande si elle va bien. les gens sont étranges. c'est rafraîchissant, ça fait du bien. elle tire une taffe. "et vous ? vous ne devriez pas dormir ou faire la fête comme la quasi totalité des jeunes de cette ville ?" demande-t-elle doucement. ça l'étonne, quand même, que ce genre de  garçon soit encore dehors à une telle heure. elle, c'est juste qu'elle n'a pas envie de se retrouver toute seule. "au fait, je m'appelle astrée." parce que le vouvoiement, ça lui rappelle un passé proche. un passé qu'elle voudrait oublier. des photos qu'elle souhaiterait voir brûler. elle tire une énième taffe, espérant peut-être s'étouffer avec la fumée, qui sait.