Il a réussi.
Il est là, fier. Heureux.
Il est là, à regarder autour de lui.

Peintures, esquisses, dessins. Tout l’entoure. Tout de lui. De son art. Son imagination. Cela fait quelques temps déjà. Qu’on l’a appelé pour ça. Exposer. La première fois. Son art. Son vrai art. Et non pas le faux. Le stérile qu’on lui a forcé de faire durant tant d’années. Tant de temps. Perdu. Il soupire. Regarde. Il y a de tout. De tout mais, surtout de lui. Lui. Déformé. Lui abstrait. Lui en peinture. Il n’a pas pu oublier. S’empêcher. Non. Alors, un beau jour, du rouge sur les joues, les doigts, il l’a refait. En transe. En hurlant. Il l’a refait. Folie. Douleur. Colère.

Un portrait, coloré.
Un portrait, brulant.

Là. Pièce maitresse de l'exposition. Pièce maitresse qui lui ronge le cœur, le corps. La raison. Sa muse l'espace d'un instant. Qui ronge, qui inspire. Il l'a refait encore et encore. Jusqu'à l'obtenir. Parfait. Oui, parfait.

Doucement, il se recule. Doucement, il ferme les yeux. Puis, après un salut, il se retourne. L'exposition sera ouverte au public dans deux jours. Il restait encore quelques petites choses à peaufiner. Deux jours avant qu'on vienne voir ses œuvres. Il se sent voler. Il se sent s'engloutir. Dans cette roue. Dans ses sentiments.

La porte vitrée s'ouvre. L'air l'agresse. Le fait éternuer et...soudainement, alors qu'il relève les yeux. Il voit. Ça lui arrête le cœur. Le corps. Ça lui fait mal. Impossible. Mais si. Il est là. Juste en face. Il est là. Tel un mirage. « Neo ? »

Destin ou hasard.

La fumée d’une cigarette qui vient agresser tes poumons. L’air frai sur le visage qui vient saluer ta rêverie. Tu déambule, enfoncé loin dans ta bulle. Tu erre, sans savoir où tu vas, sans savoir ce qui va pas. T’avais juste besoin de sortir de ta torpeur. De tout ce qui se meurt. Là, juste là Neo. Tu l’entend ton coeur ? Celui qui a mal. Celui que tu mets à mal. Il a rien demandé lui. Il veut juste que tu l’oubli. Que tu le pose là, devant toi. Que tu le laisse en paix. Que t’arrête de le torturé. Alors tu sors, pour oublier ton sort. Tu te laisse porter, à contre sens des autres. Dans les rues tu vas. Tu marche. Tu respire. T’aspire. Tranquillement, sagement, dans le sens du vent. Tu laisse passer le temps. Tu le laisse filer. Tu le laisse t’emporter.

Pour une fois tu fais attention à ce qu’il y a autour de toi. Pas seulement dans ta tête. Tu t’ouvre, tu  découvre. Ce que tu as refusé depuis que tu es ici. Parce que t’es là et que ça changera pas. Jamais. Plus jamais tu n’auras à te sauver, ni à te cacher. Puis comme un coup en pleine face, tu le vois juste en face. Lui. Lui et toujours lui. Celui que t’as abandonné, que t’as laissé. Comme ça, sans raison, sans explication. Parce que t’en avais pas la force. Parce que t’avais peur. De tout, de rien… T’attends. Tu l’observe, tu te rappel, ça recommence. Douce romance. Juste là, à l’intérieur de toi, tu te souviens. Ça revient. Alors t’y vas. Tu te risque, tu pousse la porte. Pourtant tu devrais pas. Mais tu lui dois au moins ça.  C’est perturbant, autant pour lui que pour toi. Mais t’y vas. «  Salut » T’es con Neo. T’es qu’un pauvre con. Un idiot Neo. T’as pas le droit de revenir comme ça. D’imaginer qu’il ouvrira les bras, qu’il comprendra, qu’il pardonnera. T’as pas d’explications, juste des illusions. Alors tu souris timidement. Tout le poids du monde sur tes épaules. Misérable. Parce que depuis, tu n’as pas cessé de penser à lui.

Il est là.
Juste devant lui.
Il est là.

Et il sait pas quoi dire. Pas quoi faire. Il le fixe, le détaille. Il le fixe, l’entend. Le saluer. Mais, il sait pas s’il doit faire pareille. Il sait pas. Doucement, il s’approche un peu. De lui. Timidement. Comme pour ne pas le faire fuir. Encore. Bête apeurée. Mais, c’est lui qui vient d’apparaitre de nulle part. Lui, alors qu’il ne s’y attendait pas. Alors qu’il avait tant espéré, le revoir. « Tu vas bien ? »

Un peu con. Un peu perdu. Mais, y a de quoi. Après cette fuite. Après le temps passé. Il oublie même où il se trouve. Il oublie même que derrière lui se trouve sa folie. Douce. Qui englobe, engloutit. Qui brise, réchauffe. Douce folie. Qui fait battre le cœur fort. Qui fait bruler le corps. Il sait pas quoi lui dire. Il sait pas quoi faire. Il se sent con, là, face à lui. Mais, si heureux. De le revoir. Si heureux. Parce qu’il avait oublié. Sa beauté. Oublié cette muse qui lui ranime tant de sentiments. Qui lui donne envie de reprendre ses pinceaux. Et de crier et de hurler. Bien plus que pour le tableau au centre de la pièce. Bien plus. Pour qu’il comprenne. Ce qu’il lui a fait. Pour qu’il comprenne qu’il ne veut plus.

Le voir s’envoler.

Tu sais pas pourquoi t’as poussé cette porte. T’avais juste cette envie, trop forte. Un désir trop puissant, trop violent. Comme ce truc qui t’as poussé à l’embrasser. Poussé à t’y accrocher. Parfois y’a des choses qui arrivent sans qu’on les comprennent Neo. Elles t’emmènent tout là haut. Sans jamais rien réclamer, sans jamais rien gâcher. Juste pour qu’on en profite, parce qu’au fond, tout se termine trop vite. T’as poussé cette porte parce que t’y croyais plus. Parce que tu pensais que cette journée était perdu. Parce que tu voulais le retrouver. Tout recommencer. Alors t’es là comme un con. Le dos courbé, la tête baissée. Pourtant il te reçoit. Il te demande même comme tu vas. Comme t’avais jamais fuis. Comme si tu t’étais pas enfuis. « Oui, et toi ? » Question qui dérange. Question qui te semble étrange. C’est comme si t’avais l’impression de le connaître depuis toujours. Oui, depuis toujours. T’aimerais que ça soit vrai, un jour.

Tu t’offre le temps de la réflexion. De la contemplation. De lui, de tout ce qu’il y a ici. Des tableaux. Ses mots, ses maux. Tout son petit monde, puissamment beau. T’y es. Toi qui le mérite pas. Comme une obsession, alors que tu n’as été qu’illusion. Puis faut que tu fasse le pas. Que tu lui dise pourquoi. Pourquoi t’es con. Pourquoi tu t’es barré. Pourquoi tu t’es sauvé. Que c’est pas sa faute. Seulement ta faute. Parce que tu sais pas. Parce que tu sais rien. « Ecoute… Pour l’autre fois, je suis désolé, je sais pas ce qui m’a pris. J’aurais pas dû me sauver comme ça. » Ça sort tout seul. D’un coup d’un seul. Parce que t’en as besoin, parce que ça fait du bien. Alors tu le regarde avec intensité, déterminé. T’espère qu’il comprendra, qu’il t’en voudra pas.

Il le fixe. Le détaille. L'englobe dans son regard. Il n'en revient pas. Il est là. Là devant lui. Là dans la galerie. Et, il aimerait peut-être le faire fuir. Pour pas qu'il voit mais. C'est trop tard. Il l'a vu. Son regard sur ce qui l'entoure. Alors, tant pis. Il a pas honte, Niels. Pas honte d'avoir sombré dans la folie. Folie au nom de Neo. Folie à son image. Il sourit un peu. En l'entendant. Il sourit un peu. Parce qu'il est là. A lui parler. Comme si tout allait bien. Oui. Il va bien. Oui. « Oui, je vais bien. »

Bien mieux maintenant qu'il est là.
Bien mieux maintenant qu'il peut le rattraper.

Mais, rien ne s'oublie. Rien ne s'efface. Et, il s'y attendait pas. Aux excuses. Parce qu'il avait un peu comprit. Que parfois ça fait trop peur. Parfois on s'y attend pas. A tout ça. Alors, on peut fuir. Fuir, même si ça blesse. Fuir, même si ça tue. Mais, il est heureux. Heureux de l'entendre. De comprendre. Un peu. Ce qu'il s'est passé. Ce jour-là. Lorsqu'il s'est envolé. Loin de lui.

Doucement, il va pour lui attraper les doigts. Comme l'autre fois.
Doucement, il va pour le raccrocher, le rapprocher de lui.

« C'est rien. Ça arrive. » Parce que y a rien d'autre à dire. A part lui pardonner. Y a rien d'autre à dire à part le tirer un peu vers lui. Près. Trop. Pour lui faire comprendre qu'il s'en fout. Vraiment. Niels. Il est pas du genre à vouloir réfléchir. Non. Plus maintenant. Les questions. Elles ont été trop nombreuses avant. Alors, maintenant, il veut plus. Réfléchir. Juste vivre.

Au jour le jour.
Juste vivre.
Pour essayer.
Un peu.

D'être heureux.

Il va bien, alors tout va bien. Il sourit, t’es ravis. T’as plus rien à craindre. C’est tout ce que voulais, savoir que tu l’avais pas blessé. Pas vexé. Pas lâché. Enfin si tu l’as fais, mais pas pour les raisons qui semblent évidentes. Parce que y’a des choses qu’on explique pas. Comme cette envie irrésistible, incompréhensible d’être avec lui. Le regarder, de le toucher. De le sentir, de le voir sourire. Alors forcément, même si tu t’es sauvé, t’aurais remuer ciel et terre pour le retrouver. Pour te faire pardonner. Comme ces mots que t’as prononcé à la volée. Parce que ça te brûlait. Parce qu’il fallait que ça sorte. Et il comprend. C’est rien. Avec lui c’est toujours rien. Toujours excusé, toujours pardonné. Comme si chaque question avait une réponse. Sans gravité quoi que tu puisse tenter. Alors forcément tu peux pas résister. Tu peux que le laisser s’approcher, sans bouger. Le laisser t’enchaîner encore une fois, juste du bout de ses doigts. Deux corps qui s’attirent comme des aimants. Comme des amants. « Peut-être, mais c’était con. » Con, comme tout ce que tu fais. Con, comme tout ce que tu es. Comme cette proximité, qui tient à rien et qui pourtant vient te terrasser. Tu peux pas y résister. Parce que depuis, tu n’as pas cessé d’y rêver. De retrouver la saveur, la chaleur, de ses lèvres, sans une trêve. Alors tu vas les sceller, les dévorer, les retrouver. Parce que tu peux pas y résister. Comme si elles pouvaient t’appeler. Comme si elles pouvaient te le demander, te le crier. Dans un langage sourd. Tu seras toujours pour. Juste comme ça, pour te donner du courage, pour retrouver la rage. D’essayer, d’apprécier. Puis t’y mets un terme, quand même. Tu te ressaisis et tu le regarde à nouveau, lui. « C’est si soudain, ça tient à rien. » Tu t’emballe. Tu te remballe. Esprit torturé, qui sais jamais. Tu t’éloigne, pour marcher, décompresser, faire le tour de la galerie, sans vraiment regarder. T’as la tête trop compressée. « On se connaît même pas et pourtant à nous regarder on pourrait croire que ça fait des années qu’on est comme ça… »  A l’intérieur, juste là dans ton coeur. Ça te travail, ça te tiraille. Et tu peux plus t’arrêter, de causer. « Après tu me diras… On s’en fou pas mal des détails… » Temps que c’est vrai. Ouais t’aurais voulu le sortir. Mais ça veut pas. Ça reste coincé là, à l’intérieur de toi. Parce que c’est vrai, on s’en fou des détails. On s’en fou de tout. Faut juste y aller, tête baissée, foncer et pourquoi pas aimer. Ouais, faudrait. Des fois, ça serait bien. Ça serait rien. Alors tu reste là comme un con. Toujours fidèle au post. A le regarder, tiraillé.

Boum, boum, boum.
Ça bat trop vite. Trop fort. Ça vient là, trop chaud, trop puissant. Il a l'impression qu'il va exploser. L'impression qu'il va s'enfoncer, loin. Trop, dans cette chose qui monte en lui. Brulante. Violente. Et pourtant, il est bien là. Des lèvres contre les siennes. Il l'a retrouvé. Neo. Sa muse. Sa folie. Il voudrait l'attirer contre lui. L'enlacer. Le serrer. Tout contre son corps. Sa peau. Pour ne faire plus qu'un. Mais, il ne le fait pas non. Non. Pas encore. Il se contente juste de serrer un peu plus les doigts entre les siens. Il veut plus. Lâcher. Jamais. Pas lui. Non.

Pourtant. Il s'éloigne. Encore. Et, le temps d'un instant, il s'imagine le pire. Il s'imagine le revoir loin. Là-bas. Loin. Trop loin. De lui. Il a presque envie de l'attraper. Violemment. Rapidement. Mais, non. Il s'éloigne. Et il le regarde. Le fixe. Là, à bouger. Là, à tourner en rond. Il a envie de l'attraper. De lui dire d'arrêter. Toutes les questions.

Trop de questions.
Niels, il a arrêté. De s'en poser. Plus maintenant. Avant. Maintenant. Non. Il veut pas les entendre. Il veut pas y répondre. Ça sert à rien. De trop penser. A rien, de trop réfléchir. A ça. Parce que y a rien à faire. Sauf essayer. Rien à faire. Sauf se laisser faire. Faire la vie.

Alors, doucement, il s'approche. Doucement, il l'attrape. Là, pas les épaules. Pour qu'il le regarde. Le fixe. Pour le regarder, le fixer. Et, il sourit. Rien qu'à lui. Il sourit et, vient lui voler à nouveau un baiser. Trop rapide. Trop chaste. Papillon qui s'envole. Mais, c'est un peu pour le faire taire. Un peu pour lui faire comprendre. Simplement. Oui.

« Et si on essayait juste ? Simplement. »

T’es perdu. Confus. Parce que c’est une évidence. Faut rentrer dans la danse. Mais t’as peur Neo. Parce que tu veux pas rechuter crescendo. Parce que t’as peur. De cette chaleur. Celle qui imbibe ton coeur. Celle qu’on sent monter quand on croit avoir rencontré son âme-soeur. Parce que t’as déjà essayé. Parce que ça à rien donné. Juste souffrance, même avec de la persévérance. Oui, t’as essayé, mais t’as échoué. Alors tu flippe et forcément tu t’enfonce dans un mauvais trip. Tu tourne en rond comme un lion en cage, comme si ça pouvait te donner du courage. De le regarder. D’affronter. Pourtant, y’a pas de raison. Tu devrais même pas te poser de question. Lui il y croit. Lui il s’y voit déjà. Pourquoi toi tu pourrais pas ? Pourquoi tu aurais pas le droit ? Juste un peu, comme ça. Pour une fois. Faut y croire et pas tout laisser choir. Alors tu te laisse convaincre. Pour pas accepter encore une fois de te laisser vaincre. Tu le laisse te stopper. T’attraper. T’embrasser. T’embraser. Même si c’est furtif, c’est toujours aussi vif. « Simplement » Oui, simplement. Sans tiraillement. Sans peine. Sans haine. Juste de la passion. De l’action. Tu hoche la tête sagement. Docilement. Pour accepter, pour le rassurer. Pour te rassurer. Toi et uniquement toi. Parce que t’as peur de pas y arriver. Peur de ne jamais réussir à t’accrocher comme il devrait le mériter. Mais pour l’instant tu veux pas y penser. Tu veux pas flipper et risquer de te sauver. Encore une fois. Comme la dernière fois. Faut profiter et savourer la perceptive de quelque chose de grand. Quelque chose qui te permettra peut-être de te sentir à nouveau vivant. Alors dans tes mains tu prends son visage. Joli mirage qui fait des ravages. Dans ses yeux tu plonge pour chercher les étoiles. Dans ses yeux tu plonge pour toucher les étoiles. Les comètes, les galaxies. Tout ce qui qui fuse dans ta tête quand tu pense à lui. Et tu le rapproche, juste là. Tout contre toi. Pour l’embrasser encore une fois. Miraculeux baiser qui te noie. Parce que si tu pouvais, tu passerais tes journées comme ça. Accrocher à ses lèvres qui te mettent aux aboies. Parce que y’a du désir. Et c’est pas juste pour rire. C’est pas juste un coup comme ça pour te changer les idées. Pour oublier. Non, c’est plus sérieux. C’est plus ambitieux. C’est grand. C’est trop puissant. Alors comme à chaque fois, faut y renoncer. Pour pas déraper. A bout de souffle. A chaque fois, ça te coupe le souffle. « Oui faut essayer. » Juste un murmure, les yeux baissés. Faut essayer.

Simplement. Oui, c’est ce qu’il pense. Qu’il faut faire. Pour le garder. Là, tout contre lui. Pour juste, essayer. Un peu. Beaucoup. Pour sentir, encore. La brulure. Le cœur qui bat trop fort, trop vite. Il sourit, s’accroche et se laisse faire. Là, dans ses bras. Là, au milieu des tableaux. Il se rend pas compte, du tableau qu’ils créaient eux-même, et, il s’en fout. Parce qu’il veut pas lâcher. Plus le lâcher. Alors, il le fixe, lui fait passer, ses émotions, ses pensées. Le tenant contre lui. Acceptant son baiser, ses paroles. Oui, il est heureux. De l’avoir vu. De l’avoir rencontré. Lui. Neo.

Il caresse sa joue, son visage. « Essayer. On verra bien. Mhm ? » Oui, ils verront bien. Ce que ça donnera. Ce que ça fera. Oui, juste ça. Sans prise de têtes. Juste cette folie. Douce et brulante. Douce et forte. Doucement, il glisse ses lèvres sur son front. Pour lui sourire. Pour lui faire comprendre qu’il n’y a pas que ça. Non plus. Pas que cette envie. Que cette brulure. Juste plus. Bien plus. Même s’il ne sait pas quoi. Il ne sait pas où. Ça va mener, ça va envoler.

C’est juste là.
Trop fort.
C’est juste là.
Et ça engloutit.
Tout.